Le prix de la brouille Paris-Washington

"Business as usual". A Paris, la parole officielle s'agissant de la relation franco-américaine, qu'elle émane des sièges des grandes entreprises ou des milieux gouvernementaux, tient en trois mots. Ils sont d'une naïveté - ou d'une absence de franchise - coupable. Le ressentiment de Washington est profond. Il sera durable et coûteux.Le chiffrer avec précision est naturellement impossible. On a raison de dire que les opérations de boycott symbolisées par le déversement de grands crus dans les égouts new-yorkais ne seront pas économiquement significatives. Raison aussi de rappeler que les 100 plus grandes entreprises françaises emploient près de 500.000 personnes aux Etats-Unis. Que les fonds d'investissements américains détiennent jusqu'à un tiers de leur capital. Que la France et l'Amérique échangent chaque jour un milliard de dollars de marchandises et deux milliards de dollars de capitaux.Dans un tel contexte, de toute évidence, des représailles économiques massives et organisées n'auraient aucun sens. C'est pourquoi il n'en a jamais été question. Pour autant, il ne faut attendre de Washington aucun cadeau. La France paiera d'abord sa politique irakienne en matière de coopération militaire avec les Etats-Unis, notamment dans le cadre de l'OTAN. Mais elle le paiera aussi sur le front des affaires."Il y a très clairement un malaise," résume cet homme d'affaires français qui connait parfaitement les Etats-Unis. "Business as usual, cela veut dire aussi que l'on met de côté toutes les opérations exceptionnelles. A paramètres égaux, je suis persuadé qu'une décision d'investissement importante par un groupe américain se fera systématiquement au détriment de la France." Les entreprises françaises seront écartées de la reconstruction de l'Irak et celles qui en jouissent aujourd'hui auront le plus grand mal à conserver leur statut de fournisseur du gouvernement et de l'administration des Etats-Unis, à commencer par le Pentagone.Quand on sait tout ce que la vie des affaires nécessite de démarches administratives et réglementaires, de contacts officiels - notamment avec les élus locaux, on mesure les dégâts qui peuvent être produits non pas par la moindre discrimination, mais simplement par l'absence de bonne volonté, par le renoncement à mettre de l'huile dans les rouages.Ce n'est pas parce que le coût de la politique irakienne de la France n'est pas mesurable qu'il faut conclure qu'il sera négligeable. D'autant, souligne ce familier du président de la République et du ministre des Affaires Etrangères, qu'on ne peut écarter complétement le risque de nouveaux antagonismes. "Le problème de la diplomatie française aujourd'hui," résume-t-il, "c'est que Chirac n'écoute que Villepin, et Villepin n'écoute personne."
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