Pour 8 euros de plus

Jean Peyrelevade est soulagé. Il pourra de nouveau se rendre aux Etats-Unis sans craindre d'être convoqué par la Réserve fédérale, ou pire, être interpellé par des agents du FBI. En décidant de transiger dans l'affaire Executive Life, le Crédit Lyonnais se sort d'un mauvais pas et son président aussi. Celui qui a remis sur les rails l'ancienne banque publique était bel et bien sous le coup d'une mise en accusation. Cela fait mauvais effet au moment de se retirer des affaires ! La reprise de cette compagnie d'assurance californienne au début des années 90 aura donc bien tourné au fiasco comme certains le craignaient. 575 millions de dollars, tel est le prix pour que la banque au lion conserve sa licence américaine, échappe à des poursuites pénales et aborde, l'esprit relativement serein, les négociations qui s'annoncent au civil. Cela représente tout de même 8 euros par Français. Les esprits les moins chagrins ne manqueront pas de noter que, comparés à la facture totale du Crédit Lyonnais (15 milliards d'euros au bas mot), ces 575 millions ne sont qu'une goutte d'eau. Disons plutôt un verre de plus, et bien rempli. Cette affaire ne peut que laisser un goût amer, surtout lorsque l'on sait que les autorités françaises ont rejeté des offres de transaction beaucoup moins onéreuses. Ce n'est qu'après avoir compris que chaque mois qui passait ajoutait quelques dizaines de millions de dollars supplémentaires à la facture que l'urgence de sortir de ce guêpier est apparue à tous. On aura dès lors beau jeu de chercher des responsables. Les dirigeants de l'époque, sans nul doute. Et leurs successeurs pour avoir tardé à se mobiliser et à organiser une ligne de défense cohérente. Au moment de passer à la caisse, le chacun pour soi l'a en effet emporté. Au grand désespoir de François Pinault qui enrage toujours d'avoir été laissé au bord du chemin. Le milliardaire breton est, rappelons-le, le grand bénéficiaire de cette opération si contestée. C'est lui qui a racheté le portefeuille d'obligations et la compagnie d'assurance elle-même. Financé par le Lyonnais, il a engrangé les plus-values et a longtemps cru qu'il s'en tirerait sans trop de dommages. A tort. Son accord de coopération avec la justice américaine est aujourd'hui menacé. Lui aussi devra probablement passer à la caisse, ou se résoudre à un procès à hauts risques. Sinon pour lui, du moins pour ses plus proches collaborateurs. Triste affaire, vraiment... Imaginons un instant que François Pinault n'ait pas voulu jouer trop tôt sa carte personnelle, que les dirigeants du Lyonnais ne se soient pas contentés de fermer les yeux en rejetant la responsabilité sur leurs prédécesseurs et que le gouvernement français ait pris la juste mesure du risque il y a trois ans : peut-être alors toute cette affaire aurait-elle pris une autre direction. Et les Français auraient pu économiser quelques euros...
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