Le CD-ROM culturel, un marché tétanisé

"Nous manquons de beaux produits et l'offre n'est pas assez renouvelée". Le constat de Delphine Peroni, responsable des produits logiciels culturels et pratiques de la Fnac est réaliste : "le marché des CD-ROM culturels reprend la place qu'il aurait eu sans bulle spéculative". Pour le distributeur, qui a durci ses règles de rotation de stocks et d'animations de ventes, ce marché ne correspond plus à ses critères de rentabilité. Pourtant, les efforts que déploie la FNAC pour développer les opérations de promotion afin de désaisonnaliser un marché qui demeure étroitement lié à la période de Noël (40% du chiffre d'affaires) montrent que le distributeur y croit encore. La réussite d'un produit inattendu comme 'Hiéroglyphes', sorte de méthode Assimil de l'égyptien ancien (voir notre sélection ci-contre), prouve que l'offre peut toujours se réinventer. Même si les éditeurs ont du mal à suivre et à survivre. L'éclatement de la bulle Internet, la stagnation des ventes de PC et le renouvellement des consoles ont rebattu les cartes d'une industrie lourde en investissements et désormais fortement concentrée. Syrinx a disparu, Montparnasse Multimédia a été absorbé par Mindscape. Les autres - Emme, Havas, Larousse, Microsoft - ont considérablement réduit leur production et s'appuient sur d'autres segments de marché comme le pratique ou le ludo-éducatif pour assurer leur rentabilité. Peu d'éditeurs ont tenu le choc des coûts de plus en plus élevés et d'un marché qui se rétrécit à l'image des linéaires des grands distributeurs culturels, principaux vecteurs de ventes.Retour au papierLes signes de désarroi ne trompent pas. L'annonce début septembre d'une prochaine édition papier de l'Encyclopédie Universalis après sept ans d'interruption campe bien le désordre du multimédia culturel. Ceux qui avaient enterré le papier avec la prolifération des PC et d'Internet doivent se rendre à l'évidence : le public ne se laisse pas facilement dicter ses usages du savoir. Comble du paradoxe, selon les études de l'Encyclopédie Universalis, ce sont les plus gros possesseurs d'équipement informatique qui souhaitent redonner une dimension tactile ou sensuelle à leur appropriation de la connaissance. Ce retour à l'objet et aux belles reliures des 28 tomes (pour 2.880 euros) correspond aussi à la volonté des éditeurs de miser sur la complémentarité entre l'édition traditionnelle, le CD-ROM et Internet. "Il faut toujours privilégier le contenu et jouer la complémentarité avec les différents supports de diffusion", insiste Denis Fasse, le responsable du marketing de l'Universalis. Les éditeurs cherchent donc à capitaliser sur leur fonds de commerce, au risque de limiter les nouvelles productions. Aujourd'hui, le bilan est simple : pas plus d'une vingtaine de titres disponibles, dont la plupart sont l'actualisation de versions commercialisées depuis cinq ou six ans. La plupart des thèmes abordés voici quelques années, parfois sans autre chose qu'un vague concept créatif, n'ont pas survécu. Des pans entiers de la production ont disparu des rayonnages, de la littérature au cinéma, en passant par les sciences humaines, la philosophie ou les sports. Ceux qui restent - encyclopédies, histoire et esthétique des civilisations - se pérennisent et constituent de véritables outils de savoir. Leurs recettes éprouvées associent outils de navigation et multimédia avec de prodigieux corpus d'informations : 17.000 médias pour l'encyclopédie Hachette Multimédia 2003, 30.000 articles pour l'Encyclopédie Universalis...Nouvelles éditions, revues et augmentéesLe retour aux fondamentaux du métier d'éditeur est la caractéristique de ce marché attentiste au moindre frémissement ou à l'arrivée de nouveaux produits. D'autant que, les comptes étant assainis et les lignes de produits clairement identifiées, des éditeurs comme Pierre Raiman, directeur éditorial de Mindscape, sont convaincus que "l'essentiel de la crise est désormais derrière nous. Le CD-ROM culturel n'est pas tiré par la technologie, mais par la qualité du contenu". "Le véritable enjeu de ce segment de niche est éditorial, renchérit Olivier Wright, le directeur général d'Emme. Depuis deux ans, il n'y a pas de technologie nouvelle qui justifierait la refonte de tous nos programmes." La mécanique est désormais bien rodée : chaque année, les éditeurs s'appuient sur leur fonds pour sortir de nouvelles éditions revues et augmentées. C'est ainsi que l'édition Emme 'Grand Louvre 2003' s'enrichit de visites commentées par Pierre Arditi alors que celle de Montparnasse Multimédia/RMN utilise un outil de gestion d'images. Sur le marché des CD-ROM culturels, l'heure n'est plus - pour le moment du moins - aux nouveautés. Du moins les titres survivants se perfectionnent-ils chaque année (voir notre sélection ci-contre).
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