Incertitude maximale dans l'affaire Executive Life

Que va-t-il se passer désormais dans l'affaire Executive Life ? Au lendemain du rejet par la France du projet d'accord élaboré avec la justice californienne, l'incertitude est maximale. Si la France espère obtenir un nouvel accord plus favorable, le risque de voir l'affrontement judiciaire prendre une tournure extrêmement dangereuse pour les intérêts français est important.Comme La Tribune l'annonçait dans son édition de ce matin (lire ci-contre), la France a décidé in extremis de ne pas signer le compromis élaboré le 2 septembre dernier pour mettre un terme au volet pénal du scandale Executive Life. Intervenant ce matin sur RTL, le ministre des Finances Francis Mer a confirmé la décision de la France, affirmant que "on ne sait plus où nous en sommes" dans cette affaire.Cause de la perplexité des autorités françaises : l'attitude des Américains qui, sur plusieurs points, semblent avoir décidé, ces dernières semaines, de revenir en arrière sur certains aspects de l'accord. Début septembre, les deux parties avaient décidé de traiter à l'amiable les poursuites pénales engagées par la justice californienne. Celle-ci reproche au Crédit Lyonnais d'avoir organisé le rachat en 1991 d'Executive Life, une compagnie d'assurance en faillite, à une époque où une banque n'avait pas le droit de procéder à une telle acquisition. Les différents actifs de la compagnie avaient ensuite été répartis entre la Maaf et Artemis, la holding de François Pinault. Pour la justice américaine, il s'agissait là d'une vaste opération de dissimulation, destinée à contourner la réglementation américaine.Selon les termes de l'accord élaboré le mois dernier, les poursuites pénales auraient été abandonnées en échange du versement par l'Etat français, le Crédit Lyonnais et la Maaf d'une amende record de 585 millions de dollars. Ce qui ne réglait pas, en tout état de cause, le problème des poursuites civiles encore à venir. Et l'accord n'incluait pas le cas d'Artemis, François Pinault ayant choisi dès le début de faire cavalier seul dans les procédures judiciaires en cours.Mais depuis le 3 septembre, différents éléments nouveaux sont intervenus, suscitant l'incompréhension des pouvoirs publics français. "Nous avons, en toute bonne foi, face à une justice américaine et notamment californienne difficile à cerner, signé un accord le 2 septembre", a expliqué ce matin Francis Mer, mais "un mois plus tard, le procureur déclare qu'il y a des faits nouveaux et que nous devons modifier ce que nous avons signé : nous ne comprenons plus, donc nous restons totalement à la disposition de la justice américaine, car nous cherchons quand même à avoir un accord, mais nous voudrions parler avec des gens responsables".De fait, la justice américaine a décidé ces dernières semaines de sortir le cas de Jean Peyrelevade du cadre de l'accord. Arguant de révélations récentes, elle estime désormais que l'ancien président du Crédit Lyonnais a menti quand il affirmait ne pas avoir été informé du caractère illégal du montage réalisé par son établissement. Du coup, Jean Peyrelevade a dû démissionner brutalement du Lyonnais le 2 octobre denier pour assurer sa défense. Autre élément nouveau : la demande d'extradition formulée voici quelques jours par les Etats-Unis contre trois anciens responsables du Crédit Lyonnais, Jean-Yves Haberer (le prédécesseur de Jean Peyrelevade), Jean-François Hénin et François Gille, ainsi que contre Emmanuel Cueff, secrétaire général d'Artemis.Les autorités françaises craignent donc que les termes de l'accord de début septembre ne les mettent finalement pas à l'abri de nouvelles poursuites et veulent en clarifier la portée. Il est d'ailleurs possible que l'une des demandes de la France soit de réintroduire dans un nouvel accord ceux qui en sont aujourd'hui exclus, c'est-à-dire notamment François Pinault - dont l'amitié avec Jacques Chirac pourrait peser lourd dans cette affaire - et Jean Peyrelevade. Francis Mer ne l'a pas exclu ce matin, précisant que "il y a longtemps que nous cherchons à associer M. Pinault à notre démarche, mais compte tenu des engagements et des dispositions qu'il a pris dans cette affaire vis-à-vis de la justice américaine depuis quatre ans, cette association était impossible". La position du gouvernement français a reçu aujourd'hui le soutien du député UMP François d'Aubert, rapporteur de la commission d'enquête sur le Crédit Lyonnais en 1994, qui a affirmé que "la France a eu raison parce que le chantage américain devenait impossible. Le chantage de ces juges de Californie qui voulaient se livrer à un véritable racket sur des entreprises françaises, était inadmissible".Reste que la décision française comporte de nombreux risques. L'idée que les Américains soient prêts à renégocier l'accord n'a rien d'évident. Dès ce matin, le Représentant de Californie au Congrès Doug Ose a affirmé qu'il n'était "plus temps de discuter" et a appelé l'administration à "rejeter tout compromis".A défaut d'un accord amiable, la justice américaine pourrait désormais suivre son cours. Avec à la clé un procès pénal aux conséquences imprévisibles pour l'Etat français, les principaux individus concernés et le Crédit Lyonnais. Pour ce dernier établissement, entré voici quelques mois dans l'orbite du Crédit Agricole, le risque est très grand de se voir privé de sa licence américaine.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.