Apple se transforme en jukebox

Steve Jobs est en train de mériter sa réputation de gourou. Le patron d'Apple peut afficher la mine réjouie de celui qui vient de jouer un bon tour à l'industrie musicale. Contre toute attente, iTunes Music Store (iMS), son service de vente de musique en ligne, a déjà vendu deux millions de chansons en à peine deux semaines d'exploitation. Il faut d'abord applaudir son coup de maître marketing, digne d'un de ceux du bouillant patron de Virgin, Richard Branson, qui peut annoncer, sans rire, qu'il est prêt à racheter tous les Concorde au moment où Air France et British Airways veulent les mettre au rencard, "pour faire vivre la légende". Steve Jobs, lui, aura réussi à accompagner le lancement d'iTunes d'une rumeur hallucinante, lancée quelques jours auparavant : Apple pourrait racheter le géant Universal Music à Vivendi Universal. Personne n'arrivait à y croire, mais la rumeur a enflé à coup de déclarations opportunes, tant de VU que d'Apple. Au point que les spéculations dans la presse ont fini par jauger l'allure d'une pomme devenant le géant de l'industrie de la musique. Qu'importe si les intentions d'Apple étaient fondées, iMS a alors surgi, pas tout à fait de nulle part, avec des esprits bien préparés. A un million de titres téléchargés par semaine, iMS a déjà relégué les services lancés par les "majors" de l'industrie musicale au rang de bluette. Pressplay - lancé par Universal et Sony Music - et MusicNet - voulu par AOL Time Warner, EMI et BMG - ont fait moins bien en 18 mois d'existence, alors même qu'iMS n'existe que pour les utilisateurs Apple et seulement aux Etats-Unis. Une version PC n'est pas attendue avant la fin de l'année. Le fonctionnement d'iMS est simplissime. Le catalogue propose 200.000 titres de toutes les maisons de disques. Il s'est déjà étoffé de quelques milliers de titres et ravit désormais les fans de Jim Morisson puisqu'on y trouve enfin les albums des Doors. Chaque chanson peut être préécoutée gratuitement pendant 30 secondes et il en coûte 0,99 dollar à l'unité téléchargée. Outre qu'il séduit visiblement les internautes friands de MP3, la meilleure preuve du succès d'iMS, c'est aussi que les pirates travaillent d'arrache pied à dégoter ses failles de sécurité. Pour l'heure, les fichiers téléchargés peuvent être gravés sur CD sous la forme d'une liste de chansons. Mais, après 10 CD gravés, l'ordre des titres doit être modifié. Les transferts vers iPod, le baladeur MP3 d'Apple, sont illimités. Mais ceux vers d'autres ordinateurs Apple sont limités à trois. Combien de temps les pirates mettront-ils à faire sauter ces verrous, est-on tenté de demander. Ils auraient déjà réussi à transformer les utilisateurs d'iMS en jukebox. Sans télécharger les fichiers d'un ordinateur à l'autre, il serait en effet possible d'écouter les titres d'un utilisateur en streaming. En outre, en quelques jours, des sites pirates se sont faits la spécialité de recenser en ligne le catalogue des utilisateurs d'iMS. Les hommes de loi de l'industrie musicale froncent les sourcils. iMS les a pourtant déjà séduits. Mais l'amour pourrait vite muer en désamour, si Apple ne réussissait pas à endiguer l'appétit sans limite de pirates qui adorent les défis. Un échec de la pomme serait une bien mauvaise nouvelle pour l'industrie musicale en guerre avec les sites pirates d'échange de fichiers musicaux comme Kazaa, Grokster ou eMule.
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