Les collectivités locales à la rescousse contre la fracture numérique

L'intervention des collectivités locales dans les télécoms a cessé d'être un serpent de mer législatif. Après d'âpres débats de plus de deux ans, les pouvoirs publics ont enfin doté les collectivités locales d'un cadre juridique pour leur permettre de déployer et exploiter des réseaux de télécommunications. Il était temps, si l'on considère que le recours aux collectivités a fini par s'imposer comme solution quasi unique pour réduire la "fracture numérique".L'absence de tout débat national sur le bilan de six ans de libéralisation et d'ouverture à la concurrence du secteur des télécoms ne doit toutefois pas empêcher de tirer quelques enseignements de la situation actuelle. Si l'on appelle aujourd'hui les collectivités locales à la rescousse, c'est en effet que le seul jeu du marché, même étroitement régulé, n'a pas permis - comme c'était pourtant prévisible - de garantir l'accès aux réseaux à haut débit dans les territoires les moins favorisés de l'Hexagone. Or, cet accès y est plus que jamais crucial car sans connexion, c'est le développement économique qui se dérobe.Les investissements des acteurs du marché ont très logiquement été orientés vers les zones offrant la meilleure rentabilité. Il n'y aurait même pas lieu de s'en offusquer, si les autres territoires ne se trouvaient dans l'obligation de patienter, de payer plus cher qu'ailleurs, ou pire, de renoncer à être un jour équipés.En tournant le dos au modèle du monopole public supportant les investissements colossaux dans les réseaux tout en offrant les garanties du service public - l'égalité d'accès, la péréquation tarifaire -, la France comme le reste de l'Union européenne avait pourtant érigé le "service universel" comme moyen d'offrir les services essentiels à des prix abordables. Mais dès lors, comment comprendre que ce "service universel", normalement financé par les contributions de tous les acteurs du marché, n'ait pas été l'option retenue pour assurer la couverture du territoire en accès à haut débit ? Un zeste de volonté politique à l'échelle continentale, et même seulement nationale, aurait permis d'étendre le contenu du service universel à l'Internet à haut débit ou à la téléphonie mobile. Et donner par là du sens à un concept qui en manque singulièrement.Au lieu de cela, les collectivités sont donc priées d'investir pour ne pas se laisser distancer. Cette voie peut paraître séduisante, car il ne fait de doute pour personne que c'est bien à la solidarité nationale de palier les défauts de l'initiative privée. Pour autant, il est facile d'imaginer que les collectivités qui auront le plus besoin d'investir, seront aussi celles dont les financements seront les plus limités, l'Etat ne s'étant guère avancé sur un dispositif de financement. A l'inverse, au vu des projets en cours, il faut craindre que les initiatives des collectivités locales disposant des moyens nécessaires ne s'effectuent essentiellement en des points du territoire où l'offre de services est déjà plurielle. L'argent public serait alors bien mal employé, et le problème de la fracture numérique resterait entier.
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