La beauté cachée du lait

Parmalat est mort, vive Parmalat! Le terme de résurrection ne semble guère outrancier au sujet du retour en Bourse fracassant du groupe laitier transalpin, acclamé jeudi à Milan, moins de deux ans après la faillite la plus retentissante de toute l'histoire de l'Italie et un scandale financier monstre qui lui valut le surnom d'"Enron à l'italienne." En décembre 2003, le numéro un italien du lait et du yaourt se trouve dans l'impossibilité d'honorer un remboursement bancaire, puis s'enchaîne une catastrophique crise de liquidité et la découverte d'un pot aux roses à plus de 13 milliards d'euros: Parmalat, qui affirmait détenir d'importantes liquidités via un mystérieux compte aux sulfureuses îles Caïmans, dut reconnaître que sa dette était huit fois supérieure au montant jusque là déclaré... La valeur boursière de Parmalat, qui avait atteint jusqu'à 3,7 milliards d'euros en avril 2002, fondit en un jour de 730 millions à 244 millions pour finir à moins de 80 millions avant la suspension de cotation et sa mise sous administration judiciaire. Vingt-et-un mois après, le nouveau Parmalat vaut 4,8 milliards d'euros. Pourtant, son régime sec, à base de cessions d'actifs et de restructuration musclée, a écrémé son chiffre d'affaires de 5,6 milliards à 3,8 milliards d'euros. Certes, la minceur a la cote désormais dans l'industrie agroalimentaire. Mais une simple diète a donc suffi à métamorphoser l'ancien conglomérat discrédité en coqueluche du marché milanais? Les investisseurs sont venus récolter le lait de la réorganisation menée tambour battant, en 21 mois - aussi vite que l'américain WorldCom, plus vite que le fameux Enron, qui sortit de la faillite en 30 mois. Sous les traits hideux de l'infamie passée, les concurrents ont su discerner la beauté cachée de Parmalat: de séduisants actifs industriels et des marques appétissantes qui font saliver le français Lactalis et l'italien Granarolo, mais ne valent guère plus de 2,5 à 3 milliards d'euros. Car derrière les bouteilles de lait et les pots de yaourt, les nouveaux actionnaires du groupe italien ont surtout aperçu l'espoir de dommages et intérêts colossaux. Près de 50 milliards d'euros réclamés aux anciennes banques de Parmalat accusés de s'être enrichies sur le dos des petits porteurs et de la société elle-même: de quoi donner l'eau à la bouche à tous les fonds spéculatifs et expliquer la ruée sur les actions Parmalat. L'artisan du redressement du groupe, le commissaire extraordinaire Enrico Bondi, boit du petit-lait. Les 135.000 petits épargnants italiens qui ont perdu 85% de leur investissement n'étaient, eux, pas à la fête. Comme un petit goût âcre au fond du verre de lait...
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