L'Ecureuil lance la bataille de la rémunération des comptes

Le réseau des Caisses d'Epargne a confirmé ce matin l'information révélée par La Tribune: le lancement, à compter de demain, de comptes chèques rémunérés. Premier établissement à briser le tabou de la non rémunération des dépôts, l'Ecureuil ne facturera pas pour autant les chèques.Selon le communiqué publié ce matin, les Caisses d'Epargne verseront une rémunération comprise entre 0,5 et 1%, en fonction du montant de la somme disponible sur le compte. Cette rémunération sera payée à compter du premier euro (et non pas au-dessus d'un seuil minimum). Et contrairement à ce qui était souvent redouté par les consommateurs, cette rémunération ne sera pas accompagnée d'une facturation des chèques ou d'un alourdissement des tarifs des différents services bancaires.Elle sera en revanche réservée aux clients ayant souscrit au forfait de services Satellis, qui est facturé 6 euros par mois. Les clients n'ayant pas de forfait pourront bénéficier d'une rémunération de 0,5% par an, mais à condition de payer une cotisation de 0,5 euro par mois. L'Ecureuil explique cette initiative par son souci "d'accompagner ses clients dans leurs véritables attentes et besoins". La banque est ainsi le premier grand réseau à tirer parti de la levée récente de l'interdiction de la rémunération des dépôts, décidée sous la pression de la Cour de justice des Communautés européennes. Ce faisant, les Caisses d'Epargne veulent frapper un grand coup psychologique, à l'appui de leurs vastes ambitions de développement et de conquête de nouveaux clients.Le réseau espère d'ailleurs que l'opération, prévue pour coûter 50 millions d'euros par an, finira en fait par s'équilibrer, si ses clients souscrivent du coup plus de produits et de services. La banque espère notamment attirer vers ses comptes courants ceux de ses clients qui n'utilisent pour le moment que le Livret A ou un compte d'épargne.Cette initiative a été saluée mercredi matin par le ministre de l'Economie Thierry Breton. Interrogé à la sortie du Conseil des ministres, celui-ci a déclaré qu'il s'agissait "d'une très bonne initiative". "C'est une excellente nouvelle pour les consommateurs", a-t-il ajouté. Mais les consommateurs, précisément, ou du moins leurs associations, n'en semblent pas si convaincus. Réaction unanime de leur part: la rémunération de 0,5% sera purement symbolique et ne couvrira pas, et de loin, les frais prélevés par les banques pour le fonctionnement des comptes. Selon les observateurs, le montant moyen déposé par les clients des Caisses d'Epargne sur leur compte courant est inférieur à 1.000 euros. Autrement dit, la rémunération qu'ils toucheront se montera à moins de 5 euros sur un an, et cela avant les prélèvements sociaux et les impôts...."Le moins que l'on puisse dire c'est que l'Ecureuil n'est pas très généreux!", en déduit ainsi Nicole Perez de l'association UFC-Que Choisir. "C'est un leurre, parce que s'il faut laisser constamment 1.000 euros sur son compte pour recevoir 5 euros en fin d'année, après impôts il restera environ 3 euros, il n'y a donc pas de quoi sauter au plafond, au vu des autres frais payés par les clients, comme pour les virements occasionnels", renchérit-elle.Analyse similaire à l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV): "Si la condition est de souscrire à un 'package' (offre groupée de services bancaires), alors nous y sommes opposés", déclare Frédérique Pfrunder, selon qui "pour un établissement bancaire le 'package' c'est une rente: que vous utilisiez les services ou pas, vous payez une somme forfaitaire tous les mois". Donc, lier la rémunération à une offre groupée, "c'est pousser le consommateur à offrir une rente à sa banque, d'autant plus qu'avec 0,5% on ne va pas aller très loin".La décision prise par les Caisses d'Epargne ne devrait malgré tout pas être sans conséquence. Jusqu'ici, une poignée seulement de petits établissements avaient pris des initiatives en la matière. La Caixa Bank France, notamment, filiale d'un groupe espagnol cherchant à pénétrer le marché français, offre une rémunération de 1,50% mais à partir de 1.500 euros de dépôt. La Covefi et la Banque Privée Européenne (groupe Crédit Mutuel) se sont également lancées dans la rémunération des dépôts. L'initiative de l'Ecureuil aura évidemment une portée toute autre. Toute la question désormais est de savoir comment vont réagir les grands réseaux concurrents comme le Crédit Agricole, la BNP ou la Société Générale, qui ont toujours affirmé, jusqu'ici, que leurs clients n'étaient pas demandeurs de rémunération des comptes, préférant le statut quo "pas de rémunération, pas de chèque payant".Reste que ces réseaux ne peuvent pas rester sans réagir face aux ambitions des Caisses d'Epargne. Ils pourraient du coup faire campagne pour la remise en cause du Livret A dont bénéficie l'Ecureuil, ce produit d'épargne défiscalisé constituant à leurs yeux une distorsion de concurrence de plus en plus injustifiée.
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