Le contrat nouvelles embauches, vrai outil pour réduire le chômage ?

Le recul du chômage enregistré en septembre, pour le sixième mois consécutif, reflète-t-il les premiers effets de la politique de l'emploi du gouvernement? Outre l'efficacité des contrats aidés, subventionnés par l'Etat, et la relance de l'apprentissage, le Premier ministre Dominique de Villepin s'est en effet félicité le mois dernier des premières retombées du contrat nouvelles embauches (CNE). Selon lui, le cap des 100.000 CNE signés depuis leur création en août a été franchi dès la fin de septembre. Mesure phare du plan d'urgence pour l'emploi entrée en vigueur début août, le CNE est réservé aux entreprises de 20 salariés au plus. Plébiscité par le patronat, ce contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu par l'employeur les deux premières années sans aucune justification. En contrepartie, le salarié bénéficie d'une indemnité égale à 8% des salaires perçus, ainsi que d'une allocation chômage et d'un accompagnement personnalisé dans la recherche d'un nouveau poste."Sur un plan symbolique, les CNE constituent un tournant essentiel, ils témoignent d'une conception efficace du marché du travail. Ils permettent de créer des emplois tout en augmentant la flexibilité du marché du travail. Il faut arrêter de penser qu'on peut créer de l'emploi en empêchant les entreprises de licencier", a expliqué le ministre des PME Renaud Dutreil, lors d'un récent colloque sur le financement des PME. Même le FMI a salué dans son rapport annuel sur la conjoncture économique française le CNE, qui marque une "nouvelle direction dans les réformes", tout en exhortant la France à davantage de changements structurels.Vecteur de précaritéEn revanche, le CNE, également perçu comme un vecteur de précarité, avait provoqué un véritable tollé auprès des syndicats et de l'opposition lors de son annonce en juillet dernier. Certes, nul doute que ce nouveau contrat se substitue, du moins en partie, à des CDD et des CDI. Mais le redémarrage des créations d'emplois dans le secteur privé depuis le mois d'août peut également être attribuable à ce nouveau contrat. Le succès des réformes du marché du travail italien, extrêmement rigide il y a encore quelques années, plaide en faveur d'un assouplissement de l'emploi et donc des CNE. "La création d'emplois plus flexibles peut permettre d'améliorer la situation de l'emploi, notamment dans le secteur des services, à la peine dans l'Hexagone. Alors que la stratégie de réduction du coût du travail s'est révélée inefficace pour créer des postes en Allemagne en raison de la détérioration de la demande intérieure, la réduction de la protection de l'emploi mise en place en Italie paraît beaucoup plus efficace, au vu de l'évolution du chômage depuis 1999", démontre Patrick Artus, chez Ixis.Depuis dix ans, l'Italie a réformé en profondeur son marché du travail. En 1997, année charnière, la loi Treu a donné un cadre institutionnel et fiscal aux CDD, permettant surtout de réglementer le travail non déclaré. Puis, le gouvernement a mis en place en 2003 les contrats de qualification à travers la loi Biagi. "Résultat, les contrats temporaires concernent aujourd'hui 12% des actifs et 34% des jeunes actifs de 20 à 24 ans, et le chômage de ces jeunes - encore plus problématique en Italie qu'en France - a diminué de 30,3% à 23,1% entre 1997 et 2005", souligne Luca Silipo, chez Ixis. Chute du chômage italienSoucieux de rendre pérennes ces créations d'emplois, le gouvernement italien a également mis en place en 2000 un crédit d'impôt pour la création des emplois à durée indéterminée. "Du coup, la probabilité de passer d'un CDD à un CDI est plus élevée en Italie que partout ailleurs dans l'Union européenne et le CDD s'est avéré être un tremplin efficace vers le CDI", ajoute Luca Silippo. A l'évidence, l'ensemble de ces réformes ont été pour beaucoup dans la réduction du chômage italien ces dernières années. Passé de 11,2% en 1997 à 7,7% aujourd'hui, le taux de chômage de la péninsule a connu une évolution d'autant plus remarquable que la croissance économique du pays s'inscrit depuis plusieurs années à la traîne des pays de la Zone euro.Comme le montre le modèle italien, donc, une plus grande flexibilité du marché du travail pourrait permettre de réduire le chômage en France. Reste que la jurisprudence pourrait réduire à néant tout l'intérêt du CNE. "Apparemment, les employés peuvent en effet toujours aller en justice s'ils considèrent que leur licenciement n'est pas justifié", indique Patrick Artus. S'il est donc possible que les CNE se révèlent un instrument efficace pour améliorer réellement le marché du travail, il faudra du temps pour qu'ils soient reconnus comme tels, tant les préventions sont fortes à l'encontre d'un instrument qui se traduit de prime abord par un recul de la protection des salariés.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.