Etats-Unis : les conservateurs votent "non" à la Constitution européenne...

Le référendum français sur la Constitution Européenne, qui commence - mais surtout parce que les élections britanniques sont maintenant passées - à quelque peu intéresser les Américains, illustre une fois de plus les ambivalences de Washington. L'intérêt des Américains est-il d'avoir une Europe forte ou faible? Forte, bien sûr, quand il s'agit de considérer l'Europe comme un partenaire économique et commercial. Mais faible, plutôt, quand il s'agit d'utiliser le prisme de la politique étrangère. Pourra-t-on, à l'avenir, séparer les deux? Pour l'heure, en tout cas, il n'est pas question, pour certains proches de la Maison Blanche, d'avoir une Europe unie qui servirait de contrepoids à la toute puissance américaine. Même si les choses sont plus compliquées qu'il n'y paraît, puisque certains souhaitent qu'au moins au niveau militaire, l'Europe se dote d'une meilleure force de frappe, "afin que les Etats-Unis ne soient pas obligés de subventionner la sécurité européenne", comme le relève Marian Tupy, spécialiste des relations transatlantiques au Cato Institute, un centre de recherche libertarien à Washington. "Mais une Europe plus forte, surtout économiquement, ne signifie pas forcément une Europe plus intégrée et donc liée par une Constitution", nuance ce spécialiste. D'autant que les conservateurs américains n'ont que du mal à dire de ce document, bien trop social à leur goût... "Nous ne pensons pas que le modèle européen est le bon pour développer la compétitivité de l'Europe dans une économie déréglementée et globalisée", tranche encore Marian Tupy. Mieux vaudrait donc, pour lui, que la Constitution n'existe pas, puisqu'elle ne sera pas de nature à stimuler la croissance. Sans compter qu'elle pourrait conduire, si elle était bien mise en place, à une dangereuse intégration politique... En fait, comme le laisse entendre Nicolas de Boisgrollier, chercheur à la Brookings Institution, un centre de recherche à tendance démocrate, il semble parfois que la critique du contenu économique de la Constitution ne soit qu'un "faux nez" servant à déguiser une crainte moins avouable, celle d'une Europe plus intégrée et donc plus forte politiquement.Toujours est-il que le "non" a évidemment la faveur de la droite américaine. "Ce serait une bonne nouvelle pour les Américains, confirme ainsi Nile Gardiner, chercheur à l'Heritage Foundation, un autre institut conservateur. "Mieux vaut, dans l'intérêt des Etats-Unis, que chaque Etat décide de sa politique extérieure plutôt qu'il y ait une politique unifiée", avoue-t-il clairement. Les dissensions entre Vieille et Nouvelle Europe sur un soutien à l'offensive américaine en Irak sont là pour le prouver. Mais si c'est le oui qui l'emporte en France, ces experts ont encore un espoir: que les Britanniques, dont ils estiment le "non" à venir plus probable qu'un "non" français ce mois-ci, torpillent définitivement la Constitution, et dans la foulée, le processus d'intégration qu'ils redoutent. N'y a-t-il pas une dose de déni dans cette attitude? Sans doute. De la même manière, les conservateurs américains ne donnent pas cher de l'euro. Pas question qu'il supplante un jour le dollar. S'ils se félicitent de l'attrait actuel de la monnaie unique face au billet vert - qui force le gouvernement fédéral américain à plus de discipline budgétaire - ils estiment que cela ne durera pas. "Le pacte de stabilité est une plaisanterie, la croissance anémique et la volonté d'offrir un filet de sécurité aux Européens forcera les gouvernements à tellement s'endetter que l'euro ne peut que baisser à long terme", analyse ainsi Marian Tupy. Bref, selon son scénario, le billet vert - et les Etats-Unis - resteront bien les maîtres du monde. Ouf !
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