Droits d'auteurs : coup de théâtre à l'Assemblée nationale

Les députés ont voulu prouver mercredi au gouvernement que le projet de loi qu'il présentait sur les "droits d'auteur, droits voisins" n'allait pas de soi. D'où un coup de théâtre inattendu pour ce texte, censé adapter les droits d'auteurs à l'ère numérique, dans le cadre de la transposition de la directive européenne de mai 2001. Les députés de droite comme de gauche ont ainsi adopté peu avant minuit mercredi deux amendements identiques légalisant la copie privée de fichiers pour des usages non commerciaux. Les débats qui devaient durer deux jours pour aboutir à un vote se sont donc terminés jeudi soir dans une certaine confusion. L'Assemblée nationale a suspendu peu avant minuit l'examen du projet de loi. Son examen reprendra après la reprise, le 17 janvier, des travaux du Parlement. Après le PS, l'UDF et le PCF dans la journée, le groupe UMP a demandé, avant la suspension des travaux, la constitution d'un "groupe de travail". Il faut dire que la crise était à son comble au sein du groupe UMP, puisque le texte émanant pourtant du gouvernement a divisé le parti en deux clans. Alors que le Ministre de la Culture voulait dans l'après-midi revenir sur le vote, le président du groupe UMP à l'Assemblée Nationale Bernard Accoyer affirmait un peu plus tôt qu'il en était hors de question. Amendements controversésIl faut dire que les amendements vont à l'encontre de la philosophie du projet de loi concocté par le Ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres. Ils étendent à Internet les exceptions de copie privée, moyennant une rémunération des ayant-droit (auteurs, interprêtes...). Dans le monde physique, le fait de copier un disque est autorisé dans un cadre purement privé. Pour dédommager les artistes, une taxe est ainsi prélevée sur les supports vierges. C'est ce principe de copie qui a été transposé hier soir à Internet, et donc aux réseaux d'échange Internet "peer-to-peer".Ces deux amendements identiques, qui proviennent pour l'un d'Alain Suguenot (UMP) et pour l'autre du groupe socialiste, vont totalement à l'encontre du projet du de loi gouvernement. Le texte initial prévoyait ainsi que la copie sur les réseaux, et donc la circulation des oeuvres soit contrôlée par les producteurs et les éditeurs. En adoptant ces amendements, les députés ouvrent la voie à la licence globale, également à l'étude. Objet de la plus forte controverse, la licence globale consiste à ponctionner un prélèvement sur les forfaits Internet afin de rémunérer les auteurs. Poussé notamment par Alain Suguenot et par Christian Paul (PS), le principe a été catégoriquement rejeté par le gouvernement et le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), qui l'a qualifié de "fausse bonne idée". Ses détracteurs arguent qu'outre le fait que les montants prélevés ne suffiraient pas à rémunérer les ayants-droits, sa répartition entre les parties seraient impossible à mettre en place, et n'inciteraient pas à la création. En tout cas, la légalisation des échanges, applaudie par les associations de consommateurs, a suscité une pluie de critiques de la part des industriels de tout bord. Dans un communiqué, plusieurs organisations représentant le cinéma (Blic, Bloc...) et l'audiovisuel (ARP, Procirep, USPA...) ont dénoncé "l'expropriation des droits d'auteurs sur internet". La Fnac.com et Virginmega.fr ont jugé que, "sous couvert d'organiser une licence légale, [l'amendement] autorise en réalité le piratage", tandis que beaucoup d'artistes ont publiquement affirmé leur désaccord. Travaux en cours En dépit des deux jours d'examen, les travaux avaient à peine commencé puisque les amendements incriminés n'étaient que les premiers d'une longue série que les députés devaient encore examiner. Dans le cadre du contrôle des échanges sur Internet, le gouvernement souhaitait notamment généraliser les DRM, ces systèmes de cryptage, dont le détournement constituerait un délit de contrefaçon. Autre mesure envisagée: la mise en place d'une "réponse graduée" qui aurait consisté à avertir les consommateurs, soupçonnés d'enfreindre les droits d'auteurs, avant d'envisager des sanctions plus lourdes.
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