Demain, on ne rase pas gratis chez Procter...

Une "opération de rêve": ce sont les propres termes du gourou de Wall Street Warren Buffet, premier actionnaire de Gillette avec 9% du capital. Procter & Gamble aurait-il pu rêver de plus bel agrément pour son offre de rachat du leader mondial des rasoirs? La société de "l'oracle d'Oklahoma", Berkshire Hathaway, va même acheter des actions Procter en plus de celles qu'il va recevoir en échange pour augmenter sa part dans le nouveau mastodonte, dont la capitalisation boursière approchera 200 milliards de dollars. Deux fois celle du numéro un mondial de l'alimentaire Nestlé, trois fois celle de l'anglo-néerlandais Unilever - que le P&G grossi de Gillette détrône de sa place de premier groupe de biens de consommation au monde - et huit fois celle de Colgate-Palmolive, son grand concurrent sur le sol américain...Procter est déjà à lui seul un mastodonte, qui, hors des Etats-Unis, cultive la discrétion au profit de ses produits, soutenus à grand renfort de publicité. Les alter-mondialistes préfèrent vilipender des cibles plus faciles mais moins tentaculaires et plus modestes comme McDonald's, qui ne pèse que 40 milliards au New York Stock Exchange, ou Coca-Cola, tout juste 100 milliards... Rien n'est trop gros, ni trop beau, ni trop cher pour la firme de Cincinnati, qui n'hésite pas à mettre 57 milliards de dollars sur la table, dont 40% en cash, pour s'offrir Gillette à un prix qui évoque l'or plus que l'acier dont on fabrique les lames de rasoir... Le prospère Procter se paie le luxe d'acheter le groupe le plus chèrement valorisé du secteur des biens de consommation, le cours de Gillette reflétant avant l'offre 25 fois ses bénéfices attendus cette année, soit plus que le très chic L'Oréal (23 fois ses profits et 38 milliards d'euros en Bourse). Et en as du marketing, il offre un joli bonus, une généreuse prime de 18%. Cette opération de rêve pour les actionnaires de Gillette, et peut-être aussi - l'avenir le dira - pour ceux de Procter, est très certainement le cauchemar que n'osaient imaginer les concurrents des deux firmes, les Unilever, Colgate et autres Beiersdorf, le fabricant de la crème Nivea. Procter ne promet pas de raser gratis mais il sait que cette opération lui conférera un tel gain en place dans les linéaires des grandes surfaces, au détriment de ses rivaux, et en poids dans ses négociations musclées avec la grande distribution, que les 8 milliards de prime accordés aux actionnaires de sa proie seront promptement rentabilisés. Cauchemar peut-être aussi de certains consommateurs: Procter & Gamble & Gillette ont un objectif à peine voilé, régner sans partage sur votre salle de bain.
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