Introductions 2004 : du jamais vu depuis l'éclatement de la bulle

La communauté financière a retrouvé fin 2004 un peu de cette sensation d'euphorie qu'elle n'avait plus connue depuis l'éclatement de la bulle. Non pas que les indices boursiers se soient subitement envolés: leurs progressions sont restées très contenues l'année dernière. C'est du côté des introductions que les opérateurs ont pu renouer avec les heures fastes du passé. Surtout sur la fin de l'année.Wall Street a ainsi vécu une semaine folle entre le 13 et le 17 décembre, durant laquelle 18 entreprise ont poussé la porte de la Bourse, levant au passage 3,6 milliards de dollars. Du jamais vu depuis août 2000, à en croire l'agence Thomson Financial. Malgré les incertitudes économiques, les entreprises se sont donc bousculées. Et en Europe aussi. "Les marchés européens d'introductions en Bourse ont fini l'année avec des volumes et des montants à leurs plus hauts niveaux depuis des années", a noté Tom Troubridge, responsable d'une étude sur le sujet pour PricewaterhouseCoopers.Selon PwC, plus de 35% des introductions de l'année en Europe ont eu lieu au cours du dernier trimestre. Et près du tiers des fonds levés l'ont été sur cette même période. Il est vrai que le dernier trimestre a vu arriver sur le marché la banque polonaise PKO (1,78 milliards d'euros levés), la compagnie espagnole de péages autoroutiers Cintra (1,24 milliard d'euros) et les Autoroutes Paris-Rhin-Rhône dans l'Hexagone (1,2 milliard d'euros).Les privatisations en première ligneThomson Financial voit d'ailleurs dans ces dernières introductions un symbole pour l'Europe : "les privatisations ont été l'élément clé de 2004". Le marché des introduction a en effet été émaillé tout au long de l'année de privatisations, qui ont raflé les plus gros montants. Belgacom (3,25 milliards d'euros) et Snecma en sont d'autres exemples.Dans ces conditions, même si certaines entreprises (notamment en Allemagne) ont fait machine arrière en début d'année, le bilan annuel ne pouvait être que positif. Pour l'Europe, PwC parle de montants (27,28 milliards d'euros) multipliés par 4 par rapport à 2003 et par 2,5 par rapport à 2002. Même tendance chez Thomson Financial, où une étude, qui regroupe Europe, Moyen-Orient et Afrique, évoque des montants en jeu de 38,6 milliards de dollars (29 milliards d'euros) contre moins de 9 milliards un an plus tôt. Le nombre d'opérations (306) a pour sa part été multiplié par 3.Euronext occupe dans ces statistiques une place confortable. Quelque 32 opérations ont été menées l'an passé sur les marchés réglementés des places de Paris, Bruxelles, Lisbonne et Amsterdam. Mais ce sont surtout les montants en jeu qui témoignent d'une véritable reprise. 9,4 milliards d'euros ont été levés, alors qu'en 2003 - année désespérément plate - le compteur était resté bloqué à 161,5 millions d'euros. Sur la seule place de Paris, quelque 5,4 milliards ont été obtenus par les entreprises. Parmi les inscriptions les plus marquantes, outre celles précédemment évoquées, on peut citer PagesJaunes, Iliad, Nexity et Axalto. Pour François-Xavier Gilliot, responsable de la syndication actions chez IXIS Corporate & Investment Bank, "2004 a bel et bien marqué une inversion de tendance".43 milliards levés à Wall Street Même son de cloche Outre-Atlantique. Selon le site Internet IPOhome.com, 216 introductions ont eu lieu l'an passé à Wall Street, soit 3 fois plus qu'en 2003. Un niveau que les marchés américains n'avaient plus connu depuis 2000. Les montants levés ont pratiquement atteint 43 milliards de dollars, contre 15 milliards en 2003. Là encore, il s'agit du plus gros chiffre de ce début de millénaire. Toutes ces statistiques font également apparaître deux éléments encourageants pour les mois à venir. Si quelques opérations médiatiques et d'envergure ont été menées à bien, comme celles de Genworth Financial (2,83 milliards de dollars) ou Google (1,67 milliard de dollars), la taille moyenne des introductions réalisées aux Etats-Unis (198 millions de dollars) est l'une des plus réduites de ces sept dernières années. Autrement dit, si depuis l'éclatement de la bulle ce sont surtout de grandes structures qui osaient l'aventure, de plus petites entreprises s'intéressent de nouveau à la Bourse. Le phénomène s'est également produit sur Euronext avec des sociétés telles qu'Oxbow et ECA.L'autre enseignement important, c'est Tom Troubridge qui le met en avant. La privatisation de la plus grande compagnie aérienne chinoise a eu lieu simultanément à Hong-Kong et à Londres et a permis de mobiliser 803 millions d'euros. Le spécialiste de PwC ne manque pas d'y voir "un développement intéressant"... peut-être annonciateur d'autres opérations du même type.En ce qui concerne plus particulièrement la France, ce sont néanmoins les privatisations qui devraient soutenir le marché en 2005. "Le mouvement de privatisations devrait se confirmer avec des opérations attendues pour Sanef, EDF, GDF et Areva", explique François-Xavier Gilliot en ajoutant que "si l'ouverture du capital d'EDF se réalise, ce qui est plus que probable, les montants levés sur le marché en 2005 seront forcément plus importants qu'en 2004".Reste qu'en dehors de ces privatisations, quelques interrogations demeurent. La crise boursière d'il y a quatre ans a laissé des stigmates et, malgré l'évidente satisfaction affichée au vu des chiffres de 2004, chacun se garde bien de prédire un marché faste pour 2005. "Autant pour 2005 nous avons de la visibilité sur les opérations menées par l'Etat, autant nous en manquons concernant les entreprises", confie François-Xavier Gilliot, en prenant comme exemple les introductions plusieurs fois pressenties mais qui n'ont toujours pas été réalisées de Picard Surgelés ou de Neuf Télécom. Bref, d'une façon plus générale, "les perspectives sur le marché des introductions en 2005 restent incertaines", note sobrement Tom Troubridge.
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