Filtrer le Web : en Chine oui, en France non

Le 13 juin 2005, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné à une kyrielle de FAI français de mettre en place des mesures permettant de bloquer l'accès, à partir du territoire français, au site révisionniste "Aaargh". Une première. Le juge s'est appuyé sur les dispositions de la LEN (Loi sur l'économie numérique) pour rendre son verdict. L'Association des fournisseurs d'accès pourrait faire appel. Elle affirme que le filtrage sera inefficace, facile à contourner pour les contrevenants, et susceptible de bloquer l'accès à d'autres sites que "Aaargh", non concernés par la décision de justice. Si on en est là, c'est parce que l'un des trois hébergeurs américains du site "Aaargh" a refusé de faire cesser toute possibilité de consultation depuis le territoire français. Au nom du 1er Amendement de la Constitution américaine, qui garantit la liberté d'expression. Pas question non plus, pour les trois hébergeurs, d'aider la justice française à identifier l'éditeur du site, considéré comme légal aux Etats-Unis. Faute de leur concours, ce sont les FAI en France qui sont priés de faire le ménage. Et certains de dénoncer cette mesure, qui ferait rentrer la France dans le club des Etats totalitaires, qui bâillonnent la liberté d'expression. A cette nuance près que la légitimité de l'interdiction des discours révisionnistes est rarement mise en cause, les apôtres du Net mettent la France aux côtés d'Etats aussi peu fréquentables que le Tadjikistan, la Birmanie, l'Arabie Saoudite, l'Iran et... la Chine. Mais on apprend par ailleurs que pour pénétrer le marché chinois, certaines sociétés américaines ne reculent pas devant la censure. La version chinoise de l'outil de blog de Microsoft, MSN Spaces, éditée par une société mixte créée avec un partenaire chinois, a du mal avec des mots comme "démocratie", "manifestation", "droits de l'homme", "indépendance du Tibet" ou encore "Taiwan". L'utilisateur est aussitôt averti qu'il vient d'utiliser une expression non autorisée. Les éditeurs de blogs sont d'ailleurs dans le collimateur en Chine, où les FAI chinois ont tendance à bloquer l'accès aux outils de publication. Le zèle de Microsoft vise sans doute à lui ouvrir plus vite les portes de cet immense marché, qui résiste à l'hégémonie de son système d'exploitation sur les ordinateurs. Mais qu'elles coopèrent ou non à la censure, le résultat est semble-t-il le même pour les sociétés occidentales du Net. Ainsi, après avoir été bloqué une semaine en septembre 2002, globalement, Google fonctionne bien en Chine. Mais dès lors que la recherche aborde une question politique controversée, il se bloque pendant environ une demi-heure. "Qu'en penser? Certains analystes occidentaux se sont demandés s'il y avait collusion entre Google et la Chine - après tout, la mise en place d'un filtrage aussi précis et subtil semble nécessiter la coopération de Google. Mais tout indique que Google est innocent. La Chine a simplement appliqué un système de filtrage plus finement ciblé que les méthodes utilisées auparavant", indique Ben Edelman, chercheur sur le filtrage Internet, cité sur le site de Reporters sans frontières. Conclusion: le gouvernement chinois sait filtrer efficacement le mot "démocratie". Et Microsoft sait l'y aider. Les FAI français rechignent à filtrer un contenu révisionniste. Quel est le plus inquiétant des deux pour la démocratie?
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