Antonin Artaud l'agitateur

La Bibliothèque Nationale propose au travers d'une exposition une relecture de l'oeuvre d'Artaud en résonance avec ses internements successifs. Un passionnant parcours pour retrouver l'écrivain, le théoricien, le comédien de théâtre et de cinéma, le plasticien.

De la folie au génie. Ou l'inverse. Peu importe finalement ce qu'il en est dans la tête du visiteur à la sortie de l'exposition consacrée à Antonin Artaud par la Bibliothèque Nationale de France - site F. Mitterrand, à Paris. C'est l'événement qui compte. Il est si rare de réussir à mettre en espace une telle personnalité, à la faire mieux comprendre et ressentir...

Artaud (1896-1948), c'est l'homme de lettres (écrivain, dramaturge, poète), mais aussi en même temps homme de l'art, à la fois plasticien, comédien de théâtre, artiste de cinéma. Et ici, l'oeuvre d'Artaud éclate littéralement dans cet espace de la BNF.

Il a à peine plus de 20 ans quand il écrit: "Car il n'y a pas une idée des choses, mais dix mille et dans le présent je change et j'avance". C'est déjà l'homme révolté, excessif. Dans un de ses premiers recueils (1925) que l'on retrouve dans le 'Quarto' édité il y a deux ans par Gallimard ("Oeuvres", Antonin Artaud, 1792 pages), il poursuit: "Alors je serai compris dans dix ans [...], alors on comprendra la géométrie sans espaces, et on apprendra ce que c'est que la configuration de l'esprit, et on comprendra comment j'ai perdu l'esprit". Phrases prémonitoires sûrement et toujours d'actualité.

L'exposition riche de documents étonnants (manuscrits, tableaux, vidéo, extraits de film...) n'échappe pas totalement au "classement" par thème de la vie et de l'oeuvre d'Artaud. Le parcours, systématiquement ponctué de citations de l'auteur - "Je suis mon fils, mon père, ma mère et moi...", etc.) inscrites sur le sol et les parois des cimaises en plus de ses propres documents - et aussi de sa voix - commence par ses autoportraits que l'on ne peut oublier, traverse un long couloir ("Passage(s)") assez clinique qui met en avant sa vie rythmée autour de ses internements successifs. Puis vient le théâtre comme acteur, metteur en scène et théoricien, le cinéma (il a joué dans une bonne vingtaine de films), et enfin on (re)découvre ses nombreux écrits sur l'art. Passionnant.

Mais cette traversée dans l'univers d'Artaud ramène de façon presque chronologique à cette vie marquée par des violences et des forces contraires. Antonin Artaud, boule d'énergie féroce mais aussi corps de souffrance physique et psychique, aura eu une influence considérable sur divers mouvements artistiques, notamment aux Etats-Unis. C'est tout cela que la BNF réussit à montrer.


Jusqu'au 4 février 2007 à la BNF - site F. Mitterrand. Quai François Mauriac, Paris 13. Du mardi au samedi, 10h-19h. Dimanche 13h-19h. Fermeture lundi et jours fériés. Tél: 01 53 79 59 59. Catalogue "Antonin Artaud" coédition BNF-Gallimard, 220p., 180 illustrations, 40 euros.

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