George W. Bush : "L'énergie nucléaire est un élément clé de l'approvisionnement mondial"

Dans un entretien avec notre partenaire Handelsblatt, publié en France par La Tribune, le président des Etats-Unis fait le point, entre autres questions, sur les enjeux énergétiques à la veille du sommet du G8 de Saint-Pétersbourg.

Handelsblatt.- Votre ancien allié, l'italien Silvio Berlusconi, a perdu son mandat et les jours du Premier ministre britannique Tony Blair sont comptés. L'Allemagne, après des relations difficiles avec Schöder, est-elle maintenant avec Merkel votre principal soutien en Europe?

George W. Bush.- Il est vrai qu'il y a eu des divergences de points de vue claires entre l'Allemagne et les Etats-Unis sur la guerre en Irak. Mais au-delà de cette question, j'ai toujours pensé que nos relations étaient importantes, même vitales. Et n'oubliez pas: une des premières décisions que j'ai prises après le 11 septembre a été l'attaque en Afghanistan. Les Allemands nous y ont soutenu.

Il n'y a donc aucun bonus apporté par Angela Merkel dans les relations transatlantiques?

Depuis sa nomination, j'ai souvent parlé avec elle. L'Allemagne joue en Europe comme sur le plan global un rôle très important. La chancelière remplit bien son rôle. Cependant les Etats-Unis n'ont pas seulement besoin de bonnes relations avec l'Allemagne mais aussi avec l'Europe dans son ensemble.

Votre allié italien semble toutefois se dérober. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, D'Alema, vient de souligner les divergences de vue avec les Américains, et notamment le départ des soldats italiens d'Irak. Etes vous déçu?

Cela ne m'étonne pas puisque le nouveau gouvernement avait mis dans son programme électoral un retrait des troupes d'Irak. Cela ne m'empêchera pas lors du Sommet du G8 de rappeler que l'idée de liberté est universelle. Nous avons nos propres problèmes à régler, mais nous avons aussi à nous préoccuper des autres qui ont à vivre sous la domination d'un tyran et également à soutenir les jeunes démocraties. Les opinions divergent toujours sur la justification qu'il y avait à faire la guerre en Irak. Mais maintenant que nous y sommes, l'espoir est que nous puissions oeuvrer avec d'autres nations pour aider à construire cette nouvelle démocratie.

Vladimir Poutine est l'hôte de ce nouveau sommet du G8. Quelles sont vos relations avec le président russe?

Ma femme et moi, nous avons une relation très amicale avec les Poutine. Nous nous sentons très à l'aise chez eux. J'ai eu de nombreux contacts téléphoniques avec Vladimir Poutine ces deux dernières semaines, sur un grand nombre de dossiers. Le monde est complexe: quelques nouveaux problèmes se dessinent. Mon credo a toujours été de m'accorder avec mes amis et alliés pour résoudre les situations difficiles.

25% des besoins européens en gaz proviennent de Russie. Pour l'Allemagne, c'est même plus qu'un tiers du total. L'Europe est-elle trop dépendante du gaz russe?

C'est à chaque pays de définir les critères qu'il estime défendables en matière de sécurité énergétique. C'est donc au gouvernement allemand de décider s'il est judicieux de faire reposer un tiers de ses besoins domestiques sur une seule source d'énergie.

Certains experts craignent que la Russie soit en mesure potentiellement de faire du chantage politique à l'Europe...

Aux Etats-Unis, on n'en est pas inquiet. Mais les Européens doivent réfléchir à la façon de pérenniser l'équation (de leur approvisionnement, NDLR).

Quelles seraient vos propositions?

Je pense globalement que nous sommes trop dépendants des hydrocarbures, qui proviennent en partie de régions instables. On peut s'en accommoder à court terme. Mais à long terme, au moins pour les Etats-Unis, il en va de la sécurité énergétique nationale. Le seul moyen de résoudre le problème est de diversifier l'approvisionnement pour se rendre indépendant des carburants fossiles. Je pense que cela serait bénéfique pour l'ensemble de la communauté internationale.

Quelle direction devrions-nous prendre?

Nous discuterons lors du sommet du G8 des mesures à prendre pour favoriser le développement de nouveaux types de piles pour voitures par exemple. L'objectif serait que les autos soient capables de rouler sans essence sur les 60 à 70 premiers kilomètres. Il est imaginable également de recourir à l'essence-éthanol ou à des moteurs à hydrogène. J'ai promis aux Américains de consacrer des milliards de dollars aux nouvelles technologies. Pour les présidents qui me succèderont, il ne sera plus question de régler l'approvisionnement avec une seule source d'énergie. Nous investissons déjà plus d'un milliard pour les technologies liées à l'hydrogène. A mon avis, c'est l'ensemble des acteurs mondiaux qui doivent aujourd'hui travailler dans cette direction.

Quel rôle donnez vous au nucléaire dans votre palette énergétique?

Ce qui est intéressant dans ce débat, c'est qu'il faut à la fois assurer la sécurité nationale et économique et en même temps, préserver l'environnement. Pour moi, l'énergie nucléaire, compte tenu des craintes sur le réchauffement de la terre, est un élément clé. Pour un défenseur de la nature, l'utilisation pacifiste du nucléaire est à mon avis une bonne solution. Mais c'est une décision politique fondamentale que chaque pays doit prendre en son âme et conscience.

Cela est-il valable également pour les pays en voie de développement gros consommateurs d'énergie comme l'Inde et la Chine?

Bien évidemment. Nous collaborons étroitement sur ce dossier avec ces deux pays. Il est de l'intérêt commun que ces deux économies à forte croissance reportent leur appétit en carburants fossiles sur le nucléaire. Cela vaut d'ailleurs pour l'ensemble des pays en voie de développement. C'est pour cela d'ailleurs que nous coopérons avec le Japon, la Russie, la France et le Royaume-Uni pour investir plus d'argent dans le développement des surrégénérateurs. Ces derniers permettent de retraiter les déchets nucléaires, les brûler et au final les réduire. Nous avons espoir que grâce à cette technologie, le développement de nouveaux réacteurs nucléaires devienne politiquement acceptable aussi dans d'autres pays.

Pensez-vous qu'un accord va être trouvé lors du sommet du G8 qui permettra l'accession de la Russie à l'OMC?

Ce serait dans l'intérêt des Etats-Unis. Mais les négociations sont difficiles car il y a des intérêts divergents. Aux Etats-Unis par exemple, le Congrès aussi doit donner son aval à l'entrée de la Russie à l'OMC. Le monde agricole joue également un rôle important. Il veut être assuré clairement que les produits américains auront un accès au marché russe. Le deuxième point important est la protection de la propriété intellectuelle. Mais je suis optimiste. Nous arriverons à une solution.

Pourquoi soutenez-vous autant la candidature à l'OTAN de la Géorgie, un pays où les conflits ethniques sont très nombreux?

Il est dans l'intérêt de tous que ces conflits soient réglés pacifiquement. Et ce serait bon pour l'OTAN d'accueillir des pays qui respectent l'Etat de droit, l'économie de marché et la liberté de la presse. Ce sont des valeurs fondamentales. Il faudrait accorder à la République caucasienne au moins une perspective d'être intégrée.

Si l'Iran dans les prochains jours ne se déclare pas prêt à stopper au minimum l'enrichissement de l'uranium, quelles mesures de rétorsion allez-vous mettre en oeuvre?

Je tiens d'abord à faire remarquer que l'Allemagne a apporté beaucoup dans les négociations avec l'Iran. Et je tiens à remercier la position forte qu'a tenue la chancelière dans ce dossier. La diplomatie nécessite des efforts constants, un dialogue permanent et des discussions ininterrompues. Nous devons constamment rappeler que nous nous sommes mis d'accord sur un principe: l'Iran ne doit pas détenir d'arme atomique.

Comment voulez-vous réussir à convaincre la Russie et la Chine, qui refusent jusqu'à présent toute discussion sur des mesures de rétorsion?

Chacun a ses intérêts propres et est soumis à des pressions particulières. Les négociations demandent du temps. Mais le monde constate que la diplomatie ne dort pas. Nous allons tenter calmement de résoudre ces questions avec nos amis en usant de beaucoup de diplomatie. Il est important de parler d'une seule voix. Si les Iraniens, au final, refusent toujours d'apporter une réponse positive, nous réagirons.

Vous voulez également arriver à convaincre la Corée du Nord via la diplomatie de renoncer à développer un arsenal militaire nucléaire. Comment allez vous les convaincre de revenir à la table de négociation?

Le gouvernement de Tokyo a repoussé le projet de résolution de l'ONU pour donner la possibilité aux Chinois de parler d'abord avec les Coréens du Nord. Le projet de résolution n'est pas enterré. Mais pour le moment, la stratégie est de privilégier les efforts faits par Pékin.

Pensez-vous vraiment que vous allez réussir à convaincre le chef de l'Etat nord-coréen, Kim Jong-il?

Les Etats-Unis ont essayé par le passé d'arriver à un accord bilatéral avec Kim Jong-il. Sans succès. C'est pour cela que j'ai changé de stratégie. Maintenant, ce ne sont plus seulement les Etats-Unis qui discutent avec les Coréens mais aussi le Japon, la Corée du Sud, la Russie et la Chine. Je crois que c'est une meilleure stratégie.

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