Le groupe italien Enel a pris de vitesse ses rivaux énergéticiens. Il est entré aujourd'hui dans le capital du producteur d'électricité russe OGK-5, devenant l'un des premiers groupes étrangers à prendre pied sur ce marché en pleine restructuration et très convoité. Enel s'est offert 25,03% du groupe russe pour 39,2 milliards de roubles (1,12 milliard d'euros) à l'issue d'une vente aux enchères organisée par son propriétaire, le monopole russe de l'électricité SEU, dans le cadre d'une vaste réforme du marché de l'électricité dans le pays.

Qui plus est, Enel a fait part de sa volonté de se renforcer dans OGK-5. "Bien sûr, nous augmenterons (notre part dans OGK-5)", a affirmé le directeur de la filiale moscovite d'Enel, Stepan Zveguintsov.

La Russie est effectivement en train de s'engager dans une profonde refonte de son secteur de l'électricité, et ouvre ainsi sa porte à des groupes étrangers. Ces derniers devront également compter sur les appétits du géant public Gazprom qui risque de faire obstacle à une libéralisation complète. La restructuration vise à rénover un système en grande partie vétuste, hérité de l'URSS, en y attirant des capitaux privés (les besoins totaux sont estimés à quelque 120 milliards de dollars) afin de faire face à une forte hausse de la demande. Enel n'est pas le premier groupe étranger a entrer dans le capital d'un producteur d'électricité. Il a été devancé par le groupe finlandais Fortum qui détient un quart du capital de TGK-1, une unité plus petite dans la région de Saint-Pétersbourg.

Pour cette opération, Enel était opposé à l'allemand E.ON, au groupe gazier russe Novatek et au producteur russe d'aluminium Rusal. OGK-5 est l'une des six entreprises grossistes de production d'électricité en Russie. Elle s'appuie sur des centrales thermiques issues de la partie de SEU qui doit être privatisée. Créée en 2004, elle est implantée essentiellement en Russie européenne et dans la région de l'Oural, qui figurent parmi les régions les plus développées et affichent les plus forts taux de croissance du pays, se félicite Enel. Elle détient quatre centrales thermiques, d'une capacité de production totale de 8.700 mégawatts.

Enel n'en est pas à son premier investissement en Russie. Le groupe italien détient déjà une part minoritaire dans un producteur d'électricité indépendant, Rusenergosbyt, et gère une centrale nucléaire dans le nord-ouest du pays. Son patron Fulvio Conti avait dit en septembre 2006 être prêt à investir quatre milliards d'euros, voire davantage, dans le secteur énergétique en Russie, et avait fait part de son intention d'y trouver "des partenaires dans le charbon et un accès à l'extraction de gaz". Enel fait par ailleurs partie à hauteur de 40% du consortium qui a acquis en avril l'un des plus gros actifs du groupe pétrolier déchu Ioukos, composé d'une part de 20% du groupe Gazprom Neft. Le consortium s'est toutefois engagé à en revendre l'essentiel au géant gazier russe Gazprom.

De son côté, SEU s'est félicité du "succès" de l'opération, qui, en valorisant chaque kilowatt à 700 dollars, "bat ainsi tous les records précédents de ce type", a déclaré son directeur financier Sergeï Doubinine, cité par l'agence Ria Novosti. L'argent ainsi recueilli sera utilisé pour renforcer le réseau central de transport de courant, les centrales hydroélectriques et la réorganisation du holding, a-t-il précisé. L'Italie et la Russie affichent depuis plusieurs mois leur volonté de renforcer leur coopération énergétique, et Moscou présente volontiers Rome comme un partenaire modèle en Europe dans ce domaine.