Les effets pervers de l'agriculture mondialisée

Surproduction agricole dans les pays riches, malnutrition dans les pays pauvres. Le documentaire éclairant d'Erwin Wagenhofer, "Le marché de la faim", dénonce les contradictions d'une industrie agricole mondialisée qui peine à nourrir la planète.

Chaque jour, 100.000 personnes dans le monde meurent de faim ou de ses conséquences. Ces chiffres effarants sont extraits de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, qui, dans son rapport annuel, estime que 842 millions de personnes souffrent de malnutrition chronique. Pourtant, dans ce même rapport, elle souligne que l'agriculture mondiale est en mesure de nourrir 12 milliards d'individus. Ce sont ces contradictions que dénonce l'Autrichien Erwin Wagenhofer, journaliste et cinéaste, dans son documentaire altermondialiste We feed the world, le marché de la faim en français.

On voyage beaucoup dans ce film pour comprendre les rouages de la production agricole. En Autriche, en France, en Espagne, en Roumanie et jusqu'au Brésil. Du fermier autrichien au pêcheur français, des travailleurs agricoles roumains aux malnutris brésiliens, le film veut dénoncer les conséquences de l'agrobusiness, qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres.

Autres effets du marché mondialisé de l'alimentation: la surproduction par les pays du Nord - la quantité de pain jeté par jour à Vienne suffirait à nourrir une ville de 300.000 habitants- ; fruits et légumes vendus à 3.000 kilomètres du lieu où ils sont cultivés; dumping et destruction de l'économie agraire des pays du Sud par la vente de produits agricoles européens bradés au tiers du marché local, empêchant le paysan de gagner sa vie et le contraignant à l'exil pour assurer sa subsistance.

Pas d'images chocs, beaucoup de plans fixes, la parole court des producteurs agricoles, en bas de la chaîne alimentaire, jusqu'aux ingénieurs ou au haut-fonctionnaire de l'ONU qui apportent leur analyse. On y voit aussi les états d'âme d'un responsable de Pioneer, leader mondial de ventes de semences, qui exprime sa nostalgie pour l'agriculture naturelle, sans OGM ni produit hybride.

Certaines scènes secouent, comme celles d'un élevage de poussins traités comme de la marchandise jusqu'à la mise sous vide, devenus des poulets huit semaines plus tard. Jusqu'à provoquer l'écoeurement tant par la brutalité de l'élevage que par l'abattage industriel. C'est là un rare effet du film, qui évite de jouer sur l'émotionnel et le spectaculaire.

Ce documentaire pédagogique, qui étaye chaque idée par un exemple en images, permet au spectateur de s'interroger, sans apporter de solutions. Il s'achève par l'interview de Peter Brabeck, le PDG de Nestlé, le plus grand groupe alimentaire mondial. Sans qu'il s'en rende compte, ses propos fournissent des arguments à l'auteur de ce réquisitoire contre les multinationales et l'agrobusiness.


A lire: Le marché de la faim, de Erwin Wagenhofer et Max Annas, éditions Actes Sud, 224 pages, 20 euros.

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