La crise d'Airbus s'invite dans la campagne présidentielle

François Hollande "met en accusation" les gouvernements successifs depuis 2002 dans le cadre de la crise qui secoue Airbus. Le PS soutient la grève de mardi. Le commissaire européen Jacques Barrot met en cause la mauvaise gouvernance de l'entreprise. Dominique de Villepin annonce des aides pour la filière des matériaux composites.

La crise Airbus suscite de nombreuses réactions du côté des politiques, à deux mois des élections présidentielles. "Nous considérons que la vraie mesure à prendre dans le cadre d'une politique industrielle telle que Ségolène Royal peut la mener consisterait à recapitaliser l'entreprise par un apport de l'Etat. L'Etat doit mettre la main à la poche", a déclaré l'ancien ministre de la Culture et de l'Education nationale, Jack Lang, lors du point de presse quotidien de l'équipe de campagne de la candidate socialiste.

"Aujourd'hui la situation est grave, et plus grave encore, le gouvernement n'assume pas ses responsabilités", a poursuivi le député du Pas-de-Calais, en qualifiant de "tardive" l'annonce jeudi par le Premier ministre, Dominique de Villepin, d'une enveloppe pour la filière des matériaux composites dans l'aéronautique. "C'est mieux que rien, mais c'est tardif et cela ne correspond qu'à une fraction de ce qu'il convient de faire pour redresser Airbus", a-t-il estimé.

"Le seul coupable de ce drame humain et industriel c'est la majorité sortante, Sarkozy, Bayrou, Villepin, Chirac, c'est la même bande, les mêmes hommes, la même idéologie, la même vision". Jack Lang a par ailleurs indiqué que le PS "serait aux côtés des salariés mardi prochain", pour la journée d'action des syndicats d'Airbus.

François Hollande, interrogé sur LCI, n'a pas hésité ce jeudi matin à mettre "en accusation" les gouvernements qui se sont succédés depuis 2002, alors qu'Airbus a annoncé un vaste plan social qui concerne quelque 10.000 emplois.

"Je mets en accusation les gouvernements depuis 2002 pour ne pas avoir joué tout leur rôle, de vigilance, de contrôle et même de nomination", a expliqué le premier secrétaire du Parti socialiste. Il a ajouté que "c'est Jacques Chirac lui-même et les ministres concernés qui ont nommé Noël Forgeard (ancien coprésident exécutif d'EADS), qui a échoué dans sa direction d'entreprise dans le groupe EADS-Airbus", a dénoncé François Hollande.

Il a également montré du doigt Nicolas Sarkozy, membre du gouvernement et "représentant d'une équipe sortante qui a échoué". François Hollande a également insisté sur le fait que l'actionnaire public, qu'est l'Etat, doit "jouer son rôle", ce qui peut passer par une recapitalisation de la société. François Hollande a affirmé se positionner pour "un véritable gouvernement économique face à la Banque centrale européenne" et pour "une négociation internationale pour fixer le bon niveau des parités entre euro et dollar".

"On a vu avec Boeing combien, dans cette grande compétition aéronautique, le soutien des Etats était essentiel", a déclaré pour sa part François Bayrou devant la presse, à l'issue d'un entretien avec le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, à Luxembourg. "Quand Boeing a traversé des mauvaises passes, il a trouvé auprès du gouvernement américain l'aide massive qui s'imposait, et je pense qu'il faut que ceci serve de guide à la réflexion qui doit être celle de nos Etats", a ajouté le candidat UDF à la présidentielle. "Il y a des moments où il faut apporter du soutien en termes de recherche et développement par exemple, d'avances remboursables".

Il a par ailleurs estimé qu'il y a eu chez Airbus "des problèmes de gouvernance depuis longtemps". "La manière dont ont été organisés les rapports entre les actionnaires, et les actionnaires d'Etat en particulier, les groupes actionnaires et la direction de l'entreprise, n'était pas saine", a-t-il dit. Il a précisé qu'il rencontrerait "des syndicats d'Airbus, et si c'est possible des responsables" du groupe, lors d'un déplacement lundi à Toulouse.

Cherchant à trouver une solution pour aider Airbus à se sortir de cette crise profonde, le Premier ministre Dominique de Villepin a pour sa part annoncé le déblocage de 100 millions d'euros pour la filière des matériaux composites, qui est "décisive" pour l'avenir aéronautique français.

Le Premier ministre, qui s'exprimait aujourd'hui dans le cadre de sa conférence de presse mensuelle, a ajouté que l'avionneur européen devait rester "un partenaire essentiel" du site de Méaulte (Somme), tant "financier que technologique". Il a également demandé à ce que "des investissements stratégiques soient réalisés, notamment pour évoluer vers les matériaux composites".

Dominique de Villepin a également estimé que le plan mis en place par EADS était nécessaire pour l'avenir d'Airbus, pour mettre fin à l'incertitude de la situation actuelle et préparer l'avenir. Il a en outre déclaré que Louis Gallois, le PDG d'Airbus, s'était engagé à ce qu'il n'y ait aucun "licenciement sec".

Toujours au sein du gouvernement, Michèle-Alliot Marie partage le sentiment de nécessité du plan de restructuration d'Airbus. Le ministre de la Défense a indiqué que ce plan répondait à une "situation d'urgence", même si elle a reconnu que les suppressions d'emploi "entraînent un certain nombre de drames humains".

De son côté, Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports, invité d'Europe 1, a expliqué que le constructeur aéronautique a souffert d'une "mauvaise gouvernance" marquée par la "rivalité" entre la France et l'Allemagne. On a privilégié "une gouvernance intergouvernementale, là où il fallait vraiment faire confiance à l'entreprise", avec "une logique industrielle qui aurait permis non pas de regarder la nationalité des uns et des autres mais de créer une équipe basée sur les compétences", a commenté le commissaire européen, qui souhaite que les Etats membres renoncent à prendre leurs intérêts immédiats et "jouent l'intérêt commun".

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