Les patrons en croisade contre l'euro fort et la politique de la BCE

Christian Streiff, PDG de PSA Peugeot Citrën, Louis Gallois, coprésident d'EADS et Bernard Arnault, PDG de LVMH, déplorent la politique monétaire de la Banque centrale européenne. La hausse des taux prévue en juin devrait encore renforcer l'euro et défavoriser les exportations.

Après les candidats à l'élection présidentielle, en particulier Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, c'est au tour des grands patrons de mener une fronde contre l'euro fort. Confrontés à des niveaux historiquement hauts de la monnaie unique, qui favorisent leurs concurrents non européens, plusieurs grands patrons français tirent la sonnette d'alarme, alors que la Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à relever de nouveau ses taux en juin.

"La situation du dollar, et encore plus du yen" face à l'euro, crée "un handicap terrible pour l'industrie européenne", a lancé ce mercredi le PDG du groupe automobile français PSA Peugeot Citroën, Christian Streiff.
"Quand l'euro s'apprécie de 10 centimes vis-à-vis du dollar, Airbus perd 1 milliard", avait souligné la veille le coprésident exécutif du groupe aéronautique européen EADS Louis Gallois. L'euro fort, a résumé Christian Streiff, c'est à la fois "un handicap à l'exportation dans certaines zones" mais aussi "la porte ouverte à toutes les importations à des prix absolument imbattables" sur le sol européen.

Car s'il fait le bonheur des consommateurs européens, qui profitent de bas prix pour les voitures japonaises ou les ordinateurs américains, il désavantage les entreprises exportatrices de la zone qui voient s'envoler les prix de leurs produits alors que leurs concurrents étrangers profitent de l'effet inverse.

Dans ce contexte, la politique de relèvement des taux d'intérêt de la BCE, menée au nom de la lutte contre l'inflation mais qui alimente la hausse de la devise européenne, a été la cible de moult critiques ces derniers mois, notamment de la part des candidats à l'élection présidentielle française. Le candidat Nicolas Sarkozy avait ainsi appelé fin mars à une "offensive diplomatique pour obtenir de nos partenaires qu'ils fassent pression sur la BCE" et "pour que l'on mette en place un véritable gouvernement économique de l'Europe".

Les grands patrons, jusqu'ici relativement discrets en dépit d'un record historique de l'euro à 1,3682 dollar fin avril, ont visiblement décidé de prendre le relais. Avec en ligne de mire la perspective d'un nouveau tour de vis monétaire de la BCE en juin.

"Ma préoccupation actuelle concerne le relèvement prochain des taux d'intérêt envisagé par la Banque centrale européenne, a souligné mardi Louis Gallois. "Cela renforcera l'euro et ce n'est pas du tout une bonne nouvelle pour Airbus", a-t-il ajouté, avant d'avertir qu'une nouvelle hausse de la devise européenne face au dollar pourrait encore alourdir le plan de restructuration Power8, qui prévoit déjà 10.000 suppressions d'emploi chez Airbus et ses sous-traitants.

Si Nicolas Sarkozy, en visite ce mercredi à Bruxelles, a semblé infléchir ses critiques de la BCE ces dernières semaines, certains espèrent qu'il parviendra à influencer la politique monétaire européenne. "Je ne sais pas si on va réussir à faire en sorte que la Banque (centrale, ndlr) européenne devienne plus attentive à la force de l'euro et à la croissance de la France. Peut être qu'avec la nouvelle donne politique, cela aura une influence, je l'espère", a déclaré mi-mai Bernard Arnault, PDG de LVMH et proche du nouveau chef de l'Etat. Mais les économistes n'y croient guère.

"On ne peut rien faire par rapport à l'euro et à la Banque centrale européenne (BCE), d'autant plus qu'on est les seuls demandeurs", a estimé lundi Olivier Davanne, de la société de gestion DPA Invest, lors d'un débat organisé par l'Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). La France se trouve dans une situation très différente de celle de l'Allemagne, a renchéri Patrick Artus, chef économiste d'Ixis lors de ce débat. Cette dernière, qui a délocalisé beaucoup d'activités ces dernières années, "gagne à un euro plus fort, à la différence de la France, qui réimporte beaucoup", a-t-il observé.

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