Génération Tiananmen

"Une jeunesse chinoise" de Lou Ye associe l'histoire de la révolte de la place Tiananmen, à Pékin en mai 1989, à celle d'un couple d'étudiants, amoureux passionnés. Un film vibrant, interdit en Chine.

Film censuré, interdiction de tournage pendant cinq ans, c'est le sort réservé par les autorités chinoises au cinéaste Lou Ye qui a présenté sans leur autorisation "Une jeunesse chinoise" en compétition au dernier festival de Cannes. Ce quatrième long métrage du jeune réalisateur a été sanctionné pour avoir osé aborder les sujets tabous des manifestations de la place Tiananmen, réprimées dans le sang, début juin 1989, et des scènes de sexe. Ce beau film d'apprentissage lie l'exaltation amoureuse et politique avec l'ampleur (et la longueur) d'une fresque qui court sur toute une génération.

Dès les premières images on se trouve embarqué dans un récit double, un maelström qui entremêle l'histoire intime à l'histoire tout court. Tandis que Pékin est secoué par les premiers soubresauts révolutionnaires, la jeune et belle Yu Hong (Hao Lei) quitte son village de la Chine du Nord, sa famille et son fiancé, bref un milieu un peu rustre, pour étudier à l'université de Pékin où elle vient d'être admise. Fille entière, sans complexes, elle multiplie les expériences dans l'euphorie de la liberté enfin conquise sur tous les plans.

Mais elle finit par se fixer sur un de ses camardes, Zhou Wei (Guo Xiadong), avec qui elle noue une passion aussi charnelle que tumultueuse. Empreinte de sado-machisme leur liaison tourne au jeu dangereux, ponctuée par les manifestations qui se multiplient sur la place Tiananmen auxquelles ils accourent avec leurs camarades, exigeant la démocratie et la liberté.

La tension dans le couple atteint son apogée le jour même où la pression politique est à son comble : le 4 juin, les forces de l'ordre tirent dans la foule et c'est le massacre. S'ils s'en tirent physiquement, les deux amants ne se remettront jamais de cet échec et, à l'image de leur pays, vivront écartelés entre le désir d'ouverture et son contraire.

Irrémédiablement, les chemins des étudiants vont diverger physiquement et moralement. Elle deviendra une business woman et migrera successivement dans des villes de plus en plus au sud de la chine, là où la liberté est plus grande. Lui émigrera à Berlin, ville qui comme Pékin a connu de l'appel de la liberté mais avec une issue plus heureuse puisque le mur (physique et symbolique) qui séparait la ville en deux est bel et bien tombé. Cela ne console nullement l'ancien étudiant chinois devenu comme la plupart de ses camarades étranger à lui-même, guetté par le désespoir.

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