Vers un projet de loi écornant encore davantage les 35 heures

Le gouvernement travaille à un projet de loi visant à assouplir une nouvelle fois la durée légale du travail, anticipant par là l'échec de la négociation des partenaires sociaux. Ce texte, qui pourrait s'appliquer avant l'été, rendrait la loi sur les 35 heures supplétive.

Certains croyaient les 35 heures définitivement assouplies. Il y avait eu le double relèvement du contingent légal d'heures supplémentaires, passé de 130 heures annuelles à 180 puis 220 heures par décret entre 2003 et 2004. Ce seuil, au-delà duquel l'employeur doit demander l'autorisation à l'inspection du travail pour faire travailler ses salariés s'il le souhaite, déclenche le repos compensateur et la majoration à 100% des heures travaillées au-delà. Un accord de branche peut augmenter ce contingent d'heures supplémentaires, et c'est déjà le cas dans le secteur de la poissonnerie (230 heures annuelles) et des hôtels, cafés, restaurants (HCR, 360 heures) par exemple.

Il y avait eu aussi la possibilité de fixer par accord de branche puis d'entreprise le taux de rémunération des quatre premières heures supplémentaires en-dessous du taux légal de 25%, dans la limite d'un plancher fixé à 10%, selon deux lois de 2003 et 2004, dont l'auteur était François Fillon, ministre du Travail de l'époque et actuel Premier ministre. Le taux de 10% de majoration pour les quatre premières heures sup devait rester la règle jusqu'à fin 2008 pour les entreprises de moins de 20 salariés, mais le gouvernement Fillon y a mis fin au 1er octobre 2007.

En échange, depuis cette date, les salariés effectuant des heures supplémentaires bénéficient d'un allégement d'impôt sur le revenu et d'une exonération de cotisations sociales, les employeurs d'une déduction de cotisation sociale.

Il y a également eu entre 2003 et 2005 tout un tas d'autres mesures permettant de rendre de moins en moins effectives les 35 heures hebdomadaires: élargissement des catégories de salariés auxquels s'applique le forfait en jours, qui permet de ne pas décompter le nombre d'heures travaillées quotidiennement, monétisation du compte épargne temps, instauration d'un régime dit d'heures choisies effectuées par les salariés volontairement au-delà du contingent annuel d'heures "sup", possibilité pour les cadres de racheter leurs jours RTT.

Dernier assouplissement en date mais non encore effectif, la possibilité pour l'employeur de racheter les jours RTT non pris par le salarié au 31 décembre 2007 ou stockés sur un compte épargne temps, en les majorant de 10%, ce rachat étant exonéré de cotisations sociales. Cette disposition est prévue dans le projet de loi sur le pouvoir d'achat, adopté le 20 décembre à l'Assemblée nationale et que le Sénat examinera fin janvier.

Mais pour le gouvernement Fillon, tout cela n'est encore pas suffisant. Dans un courrier adressé aux partenaires sociaux deux jours après Noël, le Premier ministre leur demande de se prononcer sur ce qui, en matière de temps de travail, doit relever de la loi, de l'accord de branche ou de l'accord d'entreprise. Et leur donne jusqu'au 31 mars pour y parvenir. Mais comme le gouvernement anticipe un échec de cette négociation, les syndicats y étant unanimement hostiles, il travaille déjà à un projet de loi. Un proche du dossier confirme que ce texte pourrait voir le jour avant l'été, comme l'écrit le Journal du dimanche, citant l'entourage du Premier ministre.

L'idée serait de rendre la loi sur les 35 heures supplétive, c'est-à-dire s'appliquant seulement en l'absence d'accord d'entreprise, notamment en ce qui concerne le contingent annuel d'heures supplémentaires et le taux de majoration applicable à ces heures. Il suffira alors à l'employeur de trouver un ou plusieurs syndicats représentant une majorité de salariés pour s'affranchir de la loi sur le temps de travail.

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