La pauvreté est plus difficile à vivre lorsqu'on a un emploi

Une récente enquête du Credoc rappelle que 28% des personnes sans domicile travaillent. Et met en avant un décalage entre la pauvreté objective et le ressenti des personnes concernées.

On peut être pauvre, tout en ayant un emploi. Ce constat dressé par l'Insee et relayé récemment par un rapport de la Cour des comptes est désormais connu. L'emploi ne protège plus de la pauvreté même la plus extrême : 28% des personnes sans domicile interrogées en 2001 par l'Insee exerçaient une activité professionnelle.

Cette pauvreté s'explique, d'un part, par la précarité des emplois occupés (temps partiel subi, faible durée du contrat de travail), d'autre part par la faiblesse des rémunérations qui, même complétées par des transferts sociaux, ne permettent pas toujours d'assurer un niveau de vie décent à une famille.

Une recherche réalisée en 2006 par le Centre de recherche pour l'étude et l'observatoire des conditions de vie (Credoc) confirme ces phénomènes déjà bien connus, et permet de mettre en avant un décalage ente la pauvreté objective (ressources en dessous du seuil de pauvreté et conditions de vie dégradées) et le ressenti des personnes concernées.

La première définition de la pauvreté objective est celle de la pauvreté monétaire. Elle conduit à considérer comme pauvres les ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce seuil est fixé à 60% du revenu médian. Il partage une population en deux : la moitié dispose d'un revenu supérieur à ce seuil, l'autre moitié d'un revenu inférieur. Le seuil des ménages dans lesquels au moins une personne travaille est le plus élevé : 692 euros, contre 670 euros pour l'ensemble de la population Malgré cela, les ménages qui travaillent sont moins souvent en-dessous du seuil : 14% contre 19% parmi l'ensemble de la population.

Tous les ménages ne sont par ailleurs pas égaux face à la pauvreté monétaire : en particulier, les familles monoparentales, même en CDI à temps plein, les familles nombreuses mais aussi les couples avec un seul adulte qui travaille sont nombreux à avoir des revenus inférieurs au seuil. A l'inverse, les couples ayant deux CDI à temps plein sont la plupart du temps épargnés par la pauvreté.

Le Credoc distingue également la pauvreté "par conditions de vie". Elle concerne les ménages dont les ressources contraignent l'accès à certains biens : ils ne peuvent pas partir une semaine en vacances ou s'acheter des vêtements neufs, de la viande ou du poisson tous les deux jours, offrir des cadeaux au moins une fois par an.

Cette forme de pauvreté est, comme la pauvreté monétaire, à la fois moins répandue et moins intense parmi les ménages qui ont au moins un emploi : seulement 12% ont des conditions de vie insatisfaisantes contre 16% de l'ensemble de la population. Les premiers ont des contraintes budgétaires et des retards de paiements plus fréquents que la population générale, mais se restreignent moins sur la consommation et l'équipement et ont moins de difficultés de logement. La pauvreté par conditions de vie est généralement due à une événement récent : une baisse du niveau de vie au cours des douze derniers mois l'explique plus que la situation actuelle.

Enfin, si la pauvreté est objectivement moins affirmée pour les ménages ayant un emploi, elle est pourtant ressentie plus durablement. Ainsi, le tiers des ménages qui ont un emploi et qui estiment ne pas "y arriver" ne sont pas pauvres objectivement. Dans l'ensemble de la population, le décalage est moins important : seulement le quart se perçoit pauvre, sans l'être objectivement.

Inversement, la pauvreté objective induit plus systématiquement un sentiment de pauvreté parmi les ménages en emploi que parmi les autres : 14% de ménages ayant un emploi ne se perçoivent pas en difficulté financière alors qu'ils sont objectivement pauvres, contre 18% parmi l'ensemble de la population. L'exercice d'un emploi entraîne ainsi de fortes attentes sur le niveau de vie. Si ces attentes sont déçues, les difficultés du quotidien sont encore plus mal vécues que lorsque le ménage n'a pas d'emploi, indique le Credoc.

Qui sont les travailleurs pauvres ?
L'étude du Credoc permet d'isoler cinq groupes de pauvreté : les familles d'ouvriers ou d'employés (41% des ménages pauvres) faiblement diplômées : elles perçoivent un seul salaire correspondant généralement à un temps plein. Leur rémunération est insuffisante pour assurer un niveau de vie décent au ménage qui compte couramment plus de deux enfants. Les familles monoparentales ou les isolées (17% des ménages pauvres). Le seul adulte du ménage occupe un emploi précaire, qui procure de très faibles revenus. Les indépendants en difficulté (14%) sont âgés, vivent souvent en couple depuis le départ des enfants. Fréquemment exploitants agricoles, ils sont propriétaires de leur logement. Ils ont des conditions de vie correctes même si leurs revenus sont en-dessous du seuil de pauvreté. Les jeunes assez diplômés (22%) sont le plus souvent âgés de moins de 30 ans et sont plutôt au début de leur vie professionnelle. Leur niveau de diplôme leur permet d'accéder à des emplois de cadre intermédiaire, le plus souvent avec un contrat précaire. Ils ont un niveau de vie qu'ils estiment en voie d'amélioration et souffrent surtout d'une pauvreté par conditions de vie. Enfin, les cadres ayant des contraintes budgétaires (6%) sont âgés de moins de 30 ans ou de plus de 50 ans. Que ce soit parce qu'ils n'ont pas encore trouvé d'emploi stable ou parce qu'ils l'ont perdu, ils occupent des emplois précaires. Face à un avenir certain, ils s'imposent des contraintes budgétaires qui pèsent sur leurs conditions de vie.

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