L'opérateur boursier allemand Deutsche Börse se refuse à financer de prochaines acquisitions par voie d'échange d'actions sans demander auparavant l'avis de ses actionnaires. Il a pour cela pris la décision de retirer au dernier moment une résolution figurant au programme de l'assemblée générale des actionnaires qui se déroule ce vendredi à Francfort. Cette résolution visait à obtenir l'autorisation des actionnaires à émettre dans l'avenir 14 millions de nouveaux titres. Ils auraient pu servir de monnaie d'échange en cas de nouvelle acquisition.

Devant les actionnaires, le président de Deutsche Börse, Reto Francioni, a tenu à expliquer ce revirement. Première raison: l'acquisition de la Bourse américaine de dérivés ISE, pour près de 2 milliards d'euros, se fera exclusivement en cash et par recours à l'emprunt. La seconde raison tient au projet en cours de restructuration juridique du groupe - dans le but d'isoler les filiales Clearstream (règlement livraison) et Eurex (Dérivés) - pour permettre à la maison mère de s'endetter sans détériorer la notation financière des dites filiales.

La Börse réagit, sans le confirmer officiellement, aux récentes critiques de son principal actionnaire, le fonds américain Atticus. Ce dernier a pris en grippe la stratégie de la Börse, après que celle-ci annonce la reprise le 30 avril pour 2 milliards d'euros de la bourse américaine ISE. Atticus s'est en effet senti lésé de ne pas avoir été informé auparavant du projet. Dans un courrier au ton rageur envoyé cette semaine au conseil de surveillance, le fonds menaçait de demander la convocation d'une assemblée générale extraordinaire si Detsche Börse procédait à nouveau de la même façon. Lors de cette assemblée, des membres du conseil de surveillance auraient pu être révoqués si une majorité d'actionnaires le décidaient.

D'ores et déjà, la Börse peut émettre 20 millions d'actions nouvelles sans passer une nouvelle fois devant ses actionnaires. Cette autorisation lui a été donnée par les actionnaires dans le passé. Elle peut ainsi émettre de nouveaux titres représentant jusqu'à 20% du capital social, car celui-ci s'élève à 100 millions d'actions (à un euro l'unité). Une résolution adoptée aujourd'hui par l'assemblée a conduit à doubler ce capital social pour le porter à 200 millions d'actions, moyennant une incorporation de réserves dans le capital. Chaque actionnaire recevra pour cela une action gratuite. En procédant ainsi, la Börse ne dispose pas de nouveaux moyens en capital.

Mathématiquement, une division du cours par deux est à attendre après ce tour de passe-passe comptable. La Börse voulait pouvoir émettre 14 millions d'actions supplémentaires, pour maintenir une proportion proche de 20% du capital social à émettre en nouvelles actions. En y renonçant, elle va faire descendre de facto à 10% cette proportion, ce qui va notablement réduire ses moyens pour réaliser une acquisition au moyen d'actions propres.
Plusieurs représentants de petits porteurs ont par ailleurs soutenu lors de l'assemblée le projet de reprise d'ISE, en s'étonnant toutefois du prix fort payé. Le fonds Atticus a quant à lui joué aux abonnés absents. En s'attirant ainsi la critique d'autres actionnaires présents. Parmi eux, l'avocat Klaus Nieding a interpellé le fonds américain: "soit Atticus nous montre qu'il a une stratégie alternative. Ou bien il n'en a pas et n'a pas confiance dans le management de Deutsche Börse. Alors une alternative formidable s'offre: vendez vos actions et achetez en d'autres dans une entreprise en qui vous avez plus confiance!" , a-t-il lancé, sous les applaudissements du public.