Leadership responsable et gestion des risques dans un contexte géopolitique volatil

OPINION. Dans un contexte international marqué par une instabilité géopolitique croissante, les dirigeants d'entreprises sont confrontés à un défi majeur : celui de diriger dans l'incertitude tout en honorant leur devoir de vigilance. Ce devoir, ancré dans les principes de loyauté et de prudence, impose une anticipation et une gestion proactive des risques pour garantir la durabilité et la prospérité de l'entreprise. Par Viviane de Beaufort et Erwann Le Page (*)
(Crédits : DR)

Face à des facteurs tels que le potentiel retour de Donald Trump au pouvoir, la guerre en Ukraine, les tensions autour de Taiwan, les conflits au Moyen-Orient ou la montée des souverainismes plus généralement, cette tâche devient aussi nécessaire que complexe.

Intégrer la géopolitique dans la planification d'entreprise

L'enjeu pour les dirigeants n'est pas seulement de comprendre les intrications géopolitiques mais de les intégrer stratégiquement dans la planification de l'entreprise. La création de plans de continuité d'activité résilients devient essentielle. Ces plans doivent permettre à l'entreprise de répondre avec agilité à des chocs imprévus, en réduisant les interruptions et en protégeant les parties prenantes. Il est crucial de prévoir différents scénarii, incluant des stratégies de diversification des sources d'approvisionnement ou de renforcement de la cybersécurité pour parer à d'éventuelles cyberattaques durant les périodes de conflit.

Au-delà de ces mesures opérationnelles, une réflexion éthique profonde doit guider les décisions des dirigeants. Cette réflexion dépasse les obligations légales pour toucher à la manière dont les entreprises assurent la sécurité et le bien-être de leurs employés, y compris ceux dans des zones géopolitiquement instables. Comment une entreprise peut-elle agir éthiquement pour protéger ses salariés et ses sous-traitants tout en naviguant dans des eaux juridiques non balisées ? Cette question cruciale doit être traitée au sein de la gouvernance de l'entreprise, où des décisions stratégiques prennent en compte non seulement la survie et la prospérité économique, mais aussi le bien-être humain et la justice sociale.

Vers une gouvernance éthique et proactive

Des exemples récents tels que les retraits de McDonald's et Danone de Russie (principalement en raison de sanctions / saisies de leurs actifs par le régime), ou les impacts des boycotts sur Starbucks et H&M au Maroc, illustrent les défis que les entreprises doivent affronter lorsqu'elles opèrent dans des zones géopolitiques complexes. Ces cas mettent en lumière la nécessité pour les entreprises de prévoir des stratégies qui non seulement répondent aux crises immédiates, mais qui intègrent également ces considérations éthiques pour préparer et protéger l'entreprise à long terme.

Il est impératif que ces discussions soient menées de manière collaborative, impliquant tous les niveaux de l'entreprise, du conseil d'administration à tous les autres échelons de l'entreprise. Un dialogue ouvert et régulier permet de développer une stratégie globale qui répond aux besoins de tous les acteurs, renforçant ainsi la légitimité et l'intégrité des décisions prises. Cette approche intégrative assure également que les plans d'action ne sont pas seulement réactifs mais proactifs, anticipant les conséquences à long terme des choix stratégiques sur les personnes et les communautés affectées.

Dans un monde où l'instabilité géopolitique est devenue une constante, il est crucial pour les dirigeants d'entreprise de repenser leur gestion des risques à travers une lentille ESG éthique. Faire des choix guidés par ces principes, en plus des considérations économiques, devient une nécessité impérieuse. Ces choix, intégrés à la stratégie globale de l'entreprise, sont fondamentaux pour naviguer avec succès et sur le temps long dans un paysage international incertain et tumultueux.

_______

(*) Viviane de Beaufort est professeure titulaire à l'ESSEC, Docteure en droit européen, Directrice du Centre Européen de Droit et Économie. Sa double formation en droit public et des affaires lui permet de faire des liens entre gouvernance responsable publique et d'entreprise. Elle est référente auprès de think tanks et réseaux professionnels, personnalité qualifiée au Forum pour l'Investissement responsable, et administratrice de plusieurs organisations.

Erwann Le Page est Directeur Général et Associé au sein de Dentons Global Advisors, cabinet international spécialisé en affaires publiques, diplomatie commerciale et communication complexe. Il occupait auparavant les fonctions de Directeur Général adjoint de l'agence Hill & Knowlton France puis de Directeur Public Policy & Corporate Communications de TIER Mobility pour l'Europe de l'Ouest. Erwann est diplômé en droit de Paris I Panthéon Sorbonne et de l'Universität zu Köln, de Sciences Po Strasbourg et de l'executive MBA de l'ESSEC & Mannheim

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 30/04/2024 à 8:58
Signaler
La gestion des risques par l'argent public a éradiqué le leadership responsable. Nos dirigeants sont faibles.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.