Nouvelles règles de la concurrence européenne : Apple dans le viseur de Bruxelles avec son système d'exploitation IPadOS

Après le système d'exploitation pour les smartphones, c'est autour de celui des tablettes d'être concerné par les nouvelles règles de concurrence européenne. Bruxelles espère ainsi lutter contre les abus de position dominante du géant à la pomme ainsi que des autres entreprises de la tech.
La Commission européenne a annoncé ce lundi que le système d'exploitation d'Apple pour tablettes, iPadOS, serait également soumis aux nouvelles règles de concurrence plus strictes.
La Commission européenne a annoncé ce lundi que le système d'exploitation d'Apple pour tablettes, iPadOS, serait également soumis aux nouvelles règles de concurrence plus strictes. (Crédits : Mike Segar)

La Commission européenne a annoncé ce lundi que le système d'exploitation d'Apple pour tablettes, iPadOS, serait également soumis aux nouvelles règles de concurrence plus strictes prévues par le règlement sur les marchés numériques (DMA). Ces règles s'appliquent déjà depuis début mars à certains services clés de cinq géants américains du secteur - Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft - et du chinois ByteDance, propriétaire de TikTok, afin de faire cesser des abus de position dominante.

Au sein du groupe Apple, le système d'exploitation pour smartphones iOS, le navigateur Safari et le magasin d'applications AppStore, avaient déjà été désignés parmi les services soumis à la nouvelle régulation qui entend profondément modifier les pratiques des mastodontes du numérique. Apple dispose désormais d'un délai de six mois pour s'assurer que son iPadOS est pleinement conforme aux règles du DMA.

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Procédures contre Apple

Après des années à courir en vain derrière leurs abus de position dominante avec une législation insuffisamment dissuasive, l'exécutif européen espère enfin s'être doté avec le DMA d'une arme suffisamment puissante pour les faire plier. Bruxelles dialogue depuis des mois avec les trois géants américains pour les aider à préparer leur mise en conformité aux règles entrées en application début mars. Le règlement fixe une série d'obligations et d'interdictions sur mesure pour endiguer le type d'actions déloyales qui ont abouti à évincer ou brider la concurrence.

Fin mars, la Commission européenne a ainsi lancé cinq procédures contre Apple, Alphabet (Google) et Meta (Facebook, Instagram) soupçonnés d'infractions aux règles européennes de la concurrence, une première dans le cadre du nouveau règlement sur les marchés numériques (DMA).

Dans le détail, Apple et Alphabet sont visés pour des restrictions dans leurs magasins d'applications Google Play et App Store. Selon la Commission, les deux groupes « limitent la capacité des développeurs à communiquer et promouvoir librement leurs offres et à conclure directement des contrats » avec les utilisateurs finaux, « notamment en imposant divers frais ». Sur ce dossier, Apple s'est déjà vu infliger début mars une amende de 1,8 milliard d'euros par la Commission, au terme d'une enquête ouverte en juin 2020 après une plainte de la plateforme de streaming musical Spotify.

Bruxelles a ouvert une autre procédure visant Apple soupçonné de ne pas avoir respecté l'obligation d'offrir aux utilisateurs un moyen de désinstaller facilement les applications par défaut sur le système d'exploitation iOS qui équipe ses célèbres iPhone.

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Amazon également en ligne de mire

Alphabet est également soupçonné d'avoir exploité le quasi-monopole de son moteur de recherche Google pour favoriser, grâce à de meilleurs référencements, ses propres services de comparateurs de prix au détriment des concurrents dans la recherche d'hôtels, de billets d'avion ou d'autres biens de consommation vendus en ligne. Google a déjà été condamné en 2017 à une amende de 2,4 milliards d'euros pour ce motif. Mais les remèdes proposés n'ont jamais été jugés satisfaisants.

Meta, géant des réseaux sociaux, est lui visé pour manquement à la règle qui le contraint à demander le consentement des utilisateurs afin de pouvoir combiner des données personnelles, issues de ses différents services, à des fins de profilage publicitaire. Pour se conformer, Meta a proposé aux utilisateurs de Facebook et Instagram un abonnement payant qui permet d'éviter d'être ciblé par la publicité. Mais s'ils souhaitent conserver un service gratuit, ils doivent consentir à livrer leurs données personnelles.

La Commission va par ailleurs rassembler des informations sur le système de référencement d'Amazon, craignant qu'il ne favorise ses propres marques de produits sur son site de e-commerce.

Elle va également se pencher sur le nouveau système de tarification d'Apple qui pourrait enfreindre son obligation de permettre des téléchargements d'applications sur des boutiques alternatives à son App Store.

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« Précipitation » de Bruxelles

S'estimant en conformité, les groupes Apple, Alphabet, Meta et Amazon ont néanmoins affirmé lundi qu'ils poursuivraient leur dialogue avec Bruxelles, dans des communiqués séparés.

Le nouveau règlement prévoit des amendes pouvant aller jusqu'à 20% du chiffre d'affaires mondial en cas d'infraction grave et répétée (contre 10% jusqu'ici). Bruxelles s'est également doté d'un pouvoir de démantèlement des contrevenants, une arme de dissuasion et de dernier recours.

Le lobby de la tech, CCIA, a aussitôt dénoncé la « précipitation » de Bruxelles. Le lancement de ces enquêtes, 18 jours seulement après la date limite du 7 mars pour la mise en conformité, « risque de confirmer les craintes de l'industrie que le processus soit politisé ».

Concurrence et monopole: Apple et sa ribambelle de contentieux

Apple est également accusé ailleurs dans le monde d'abuser de sa position dominante. Inventaire des principaux contentieux :

  • Bras de fer contre Epic Games

L'éditeur de jeux vidéo Epic Games écume les tribunaux et démarche les autorités depuis des années pour forcer Apple et Google à ouvrir leur système d'exploitation mobile, iOS et Android (installés sur l'écrasante majorité des smartphones), à des boutiques de téléchargement d'applications alternatives.

Le but : ne plus avoir à leur payer une commission, qui peut aller jusqu'à 30%, sur les achats des utilisateurs. Il y a deux ans, une juge fédérale américaine avait demandé à Apple de laisser les éditeurs proposer des moyens de paiement alternatifs, tout en déclarant qu'Epic n'avait pas réussi à prouver d'infraction au droit de la concurrence.

Mais Epic, rejoints par d'autres géants d'internet comme Microsoft et Meta, accuse Apple de n'avoir pas respecté cette décision.

La marque à la pomme a, en effet, proposé une solution lui permettant de percevoir de 12% à 27 % sur les achats externes, ce qui ne représente qu'une faible réduction par rapport à ce qu'elle facture sur l'App Store. Epic Games a aussi assigné Apple (et Google) en justice en Australie pour des griefs similaires. Le procès s'est ouvert lundi et devrait durer cinq mois.

  • Pression aux Etats-Unis

Courant mars, le gouvernement américain a assigné en justice Apple pour pratiques monopolistiques liées à l'iPhone et aux contraintes fixées par le groupe californien aux développeurs d'applications.

  • Le précédent sud-coréen

Dès 2021, la Corée du Sud a adopté une loi interdisant à Apple et Google d'obliger les développeurs d'applications à utiliser les systèmes de paiement des deux géants de la tech, déclarant de fait illégaux leurs monopoles lucratifs sur l'App Store et le Play Store.

  • Dans le viseur de l'Union Européenne

Saisie par la plateforme de « streaming » musical Spotify, la Commission européenne a infligé le 4 mars à Apple une amende de 1,84 milliard d'euros pour non-respect des règles de concurrence de l'UE sur le marché de la musique en ligne. Selon Bruxelles, la firme de Cuppertino a appliqué des restrictions pour empêcher les développeurs d'applications de promouvoir auprès des usagers sur iPhone et iPad « des offres alternatives et moins chères en dehors de l'écosystème Apple », de façon à privilégier son propre service Apple Music. Apple a décidé de faire appel.

  • Distribution : condamnations en France, Espagne, Italie

L'Autorité française de la concurrence a condamné en 2020 Apple à payer une amende de 1,1 milliard d'euros pour « abus de dépendance économique » à l'encontre de ses détaillants en France. La cour d'Appel de Paris a cependant réduit des deux tiers la sanction en 2022, à 372 millions d'euros. Apple avait annoncé se pourvoir en cassation.

L'autorité espagnole de la concurrence a, elle, infligé en 2023 une amende globale de 194 millions d'euros à Apple et Amazon pour des pratiques anticoncurrentielles dans la distribution des produits de la marque à la pomme par Amazon Espagne.

Le gendarme de la concurrence italien a, lui, sanctionné en 2021 Amazon et Apple, leur imposant une amende de 200 millions d'euros pour avoir restreint l'accès à la plateforme Amazon de certains revendeurs de produits Apple.

  • La fronde des développeurs britanniques

Le géant américain est visé par une procédure à 785 millions de livres (914 millions d'euros) au Royaume-Uni pour abus de position dominante sur les tarifs facturés aux développeurs qui utilisent sa plateforme d'applications.

  • La Russie et les paiements

En janvier 2024, Apple a réglé une amende d'environ 13,6 millions de dollars à la Russie pour violation des lois sur la concurrence concernant des paiements internes aux applications. Apple avait déjà réglé en 2023 à la Russie une amende d'environ 11,5 millions d'euros pour abus de position dominante sur le marché des applications iOS.

(Avec AFP)

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