Laissons courir les gazelles

Lors du dernier Salon des Entrepreneurs, La Tribune a animé une table ronde constituée d'entrepreneurs à la tête d'entreprises de forte croissance. Confrontés à de nombreux problèmes, ils ont tracé quelques pistes pour favoriser le développement des gazelles en France. Au menu: délai de paiement et exonération de charges.

Le propre des entreprises de croissance est d'imaginer des biens et des services innovants qu'elles vont vendre à d'autres : particuliers, collectivités locales, Etat, petites et grandes entreprises. Or, conséquence du développement des fonctions achat dans les grands groupes, "le solde des délais de paiement entre grandes et petites entreprises s'est détérioré depuis 6 ans au détriment des secondes", souligne Jean-René Boidron, Président Cosmosbay et Vice-Président CroissancePlus. Il confirme ainsi le constat théorique du rapport Betbèze / Saint Etienne sur les PME (juin 2006).

Alors que faire pour améliorer ce solde? "On pourrait demander aux grandes entreprises de publier leurs délais moyens de paiement, en précisant en particulier le délai pour les fournisseurs qui sont des entreprises de moins de cinq ans, souligne Thomas Legrain, président de Coach'Invest. Ces délais de paiement pourraient être pris en compte dans la notation des grandes entreprises sur leur contribution au développement durable. Comme pour la part des budgets fournisseurs consacrée aux entreprises de moins de cinq ans, le critère du délai de paiement pourrait être introduit dans les deux rubriques de la méthodologie de notation des agences que sont les relations clients fournisseurs et l'environnement sociétal".

D'un autre coté, l'Etat, mauvais payeur structurel, devrait montrer l'exemple. "Si personne ne conteste le droit d'une entreprise à gérer efficacement son BFR (besoin en fonds de roulement, NDLR), il n'est pas acceptable que ce soit les plus vulnérables qui aident à améliorer la trésorerie des grands acteurs établis, poursuit Jean-René Boisdron. Je propose donc que l'Etat fasse en sorte que lui-même, les Collectivités Locales et tous les grands acteurs économiques s'engagent à payer à 30 jours toute entreprise de moins de 5 ans ou moins de 20 salariés".

Dans un autre domaine, Catherine Barba, Fondatrice Présidente du site Cashstore.fr (site qui rembourse cash une partie des achats chez 400 grandes enseignes du Web), recommande d'exonérer de charges les jeunes entreprises sur leurs trois premiers collaborateurs salariés, ne serait-ce que pendant une durée de 6 mois, voire un an si elles recrutent des chômeurs. "Dans le cas de Cashstore.fr, une telle mesure m'aurait permis d'embaucher d'emblée un second développeur et un responsable marketing acquisition, et d'aller plus vite sur un marché où le temps est souvent la seule vraie barrière à l'entrée", souligne Catherine Barba.

Eric Blot, président-fondateur de l'agence de communication Awak'it lui emboîte le pas. "Dans les entreprises de service, encore plus que dans les autres secteurs, la masse salariale représente le plus gros poste de charges, tandis que les cotisations affaiblissent considérablement le pouvoir d'achat et la motivation des collaborateurs, assure-t-il. Mon entreprise est une "gazelle", elle fait donc partie des entreprises qui créent de l'emploi, il n'en reste pas moins vrai que chaque nouvelle embauche est réfléchie à deux fois et que le poids des charges sociales ne permet pas forcément de proposer des salaires cohérents avec le coûts de la vie dans notre capitale".

Que recommande-t-il ? Pas de subvention, pas d'assistance, pas de conseil mais une réduction des charges et impôts sur les jeunes entreprises. Et de retenir les propositions faites par CroissancePlus : exonération des gazelles de l'impôt sur les sociétés pendant trois ans, puis de 50% pendant les deux années suivantes, sous la double réserve d'investissement et de non-versement des dividendes, en appliquant le dispositif prévu pour les jeunes entreprises innovantes, ouvrir les exonérations d'IS sur la base d'un engagement à priori, et non a posteriori, à l'issue des deux années de croissance, supprimer entièrement la soumission à l'Impôt Forfaitaire Annuel, et enfin supprimer les charges patronales pendant 6 mois sur le dernier salarié embauché.

A noter que les mesures permettant de favoriser la création et la croissance des jeunes entreprises en France sont connues. "Etudes et rapports s'empilent, confirmant le bon sens exprimé par de nombreux chefs d'entreprise et partagé en privé par les politiques de tous bords qui connaissent la jeune entreprise", note Antoine Duboscq, Président de WMI (conseil en stratégies de croissance)

Pour ces mesures, quatre thèmes récurrents émergent: droit du travail plus flexible, coût du travail maîtrisé, système éducatif plus compétitif et fiscalité attractive. Mais "traduits en mesures concrètes, ils deviennent difficiles à mettre en oeuvre en raison d'un coût politique trop élevé pour les partis de gouvernement", remarque Antoine Dubosq . L'opinion publique traduit en effet : précarité, remise en cause de la sécurité sociale, sélection à l'université et cadeaux aux riches. D'où blocage, hormis quelques mesures efficaces et acceptables par l'opinion comme la simplification administrative de la création d'entreprise opérée par le ministre des PME et du commerce, Renaud Dutreil.

Antoine Dubosq propose donc de piloter une véritable révolution des mentalités sur l'entreprise. "Les spécialistes de la révolution ont mis aux point des méthodes pour changer l'ordre des valeurs : infiltration et subversion. Leur traduction pacifique est éclairante. Par exemple permettre l'éducation à la création d'entreprise dès l'école et l'université et créer un intérêt objectif parmi une majorité de citoyens : actionnariat populaire, plans de stock options généralisés, formation et mise en réseau des plus de 10 millions de Français qui envisagent de créer leur entreprise".

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