Revenir sur les lieux de son enfance n'est jamais une mince affaire. Il ne faut pas longtemps pour que le gamin timide qu'on pensait avoir définitivement relégué dans les tréfonds de sa mémoire refasse surface. Lorsque Simon (Micha Lescot dans le rôle) raconte son émancipation adolescente, son échappée du foyer familial, il le fait sur une musique rageuse des Sex Pistols.

La liberté, enfin. Alors forcément, son retour à l'occasion du décès de sa grand-mère n'est pas anodin. On le comprend d'autant plus lorsque sa mère (Irène Jacob) apparaît. Possessive, castratrice. Un ogre.

Comme si ce n'était pas assez, Simon se voit aussi confronté à Anne (Claude Perron), son premier amour qui semble l'avoir attendu. Les trois personnages en place, la comédie acerbe peut se déployer. Le point de départ - l'urne où reposaient les cendres de la grand-mère se brise, Simon et Anne tentent de le cacher à la mère - n'est évidemment qu'un catalyseur pour faire interagir ce trio infernal.

La pièce qu'a écrite Rémi De Vos emprunte largement au vaudeville. Les mensonges et quiproquos fusent, Irène Jacob joue d'ailleurs agréablement avec le genre de sa voix appuyée faussement naïve. Mais à partir de cette base traditionnelle, l'auteur a construit, grâce à la modernité de son écriture, une pièce décalée dont l'étrangeté se voit encore décuplée par la mise en scène d'Eric Vigner.

Les phrasés discordants (voix traînante ou saccadée, répétitions et phrases en suspens), les gestuelles insolites (Micha Lescot, coincé dans son costume étriqué, joue à merveille de son grand corps filiforme), l'humour cruel pour mieux révéler les blessures intérieures ("Ma mère, je lui dois tout. C'est insupportable")... La pièce joue constamment sur le décalage. Curieux mais diaboliquement réjouissant.


"Jusqu'à ce que la mort nous sépare", de Rémi De Vos. Jusqu'au 18 février au Théâtre du Rond Point. 2 bis, avenue Franklin Roosevelt, 75008 Paris Tél: 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr