L'appel de l'être 'chair'

"Partage de midi" de Paul Claudel, ce sont quatre acteurs d'un drame où le désir de chair et le besoin de ciel s'affrontent. La nouvelle production de la Comédie Française surprend surtout par qualité des comédiens, Marina Hands et Hervé Pierre en tête.

L'âme et la chair. Le désir de ciel et la tentation du sexe. Il y a de l'autobiographie dans ce "Partage de midi", dans ce quatuor où la femme, Ysé, catalyse toutes les tentions des trois hommes qu'elle croise ou l'accompagnent sur ce paquebot parti d'Europe à destination de la Chine. Paul Claudel, le diplomate, le catholique, écrit cette pièce au début du siècle dernier. Il vient de vivre dans ces chaudes contrées lointaines qui brouillent les repères de la vie et des passions, une aventure amoureuse avec une femme mariée, mère de plusieurs enfants.

Dans "Partage de midi", c'est Ysé. Une femme libre, quand on la découvre sur le pont du navire. Libre, notamment, de ne pas choisir entre les hommes. Ici, ils sont trois. De Ciz, son mari dont elle a deux enfants, qui compte bien, lui le noble ruiné, se refaire une santé financière là bas, dans cet extrême Orient de tous les trafics, alors. Il y a Mesa le diplomate qui pensait, revenu en France, être "appelé" par Dieu. La rencontre n'a pas eu lieu et voilà que sur ce chemin du retour pour reprendre son poste de consul, Ysé le trouble. Amalric, l'aventurier, est le troisième homme. Celui des surprises aussi. Quand il retrouve au milieu des mers Ysé, une ex tendre amie, quand il brouille les cartes quelques années plus tard dans une Chine en proie à des insurrections. Des insurrections contagieuses pour Mesa et
Ysé, eux aussi balancés entre doute et espérance, entre terre et ciel. Autrement dit entre vie et mort.

Du Claudel donc, mais porté ici, sur cette scène de la Comédie Française, par des comédiens magnifiques. Marina Hands (Ysé) est absolument remarquable. Superbe de présence, de fluidité, de liberté de mouvement. Exemplaire pour apporter rythme et clarté au texte. Elle est toute de chair et d'intelligence pendant les deux premiers actes. Hervé Pierre (Amalric) est plein de souffle et de force. Christian Gonon (De Ciz) est impeccable dans un rôle plutôt effacé. Quant à Eric Ruf (Mesa), on le connaît mieux inspiré. Il reste souvent au bord des larmes, trop victime de ses débordements.

Le metteur en scène Yves Beaunesne gâche quelque peu cet affrontement charnel en le plongeant au troisième acte dans une eau plus tiède, pour semble-t-il atteindre des révélations plus mystiques. Comme si une certaine morale devait être sauve, la rédemption par la mort. Reste des images magnifiques. Comme ce plateau du 1er acte traversé par des cordages dignes des grands vaisseaux. Le voyage ne manque pas d'attraits.

"Partage de midi" à la Comédie Française en alternance jusqu'au 15 juillet. Tél. : 0825 10 16 80. www.comedie-française.fr
Exposition de photos et documents de Claudel à la Comédie Française au Studio-Théâtre, à côté de la pyramide inversée du Musée du Louvre.

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