Courbet, son monde jusqu'à son "origine"

Enorme présentation de l'oeuvre de Gustave Courbet au Grand Palais à Paris. Dans une scénographie à la fois simple et astucieuse, les commissaires de l'événement dressent un portrait de plus en plus précis de l'artiste entre ses origines populaires et ses ambitions novatrices.

Envolés les préjugés, disparues les réticences pour cause supposée de lourdeur des chairs, d'épaisseurs des couleurs. L'exposition Gustave Courbet au Grand Palais à Paris balaie, s'il en était encore besoin, cette image du peintre (1819-1877). Tout cela en quelque 130 peintures, une trentaine d'oeuvres graphiques et une bonne cinquantaine de photographies, parmi lesquelles de nombreux nus signés par des aventuriers de l'argentique en ce XIXè siècle - les Le Gray. Nadar, et autres.

C'est un vrai événement. Avec la manière et la matière. Où l'on comprend comment l'artiste franc-comtois s'est nourri des maîtres anciens (Rembrandt, Caravage, Rubens...) et pourquoi il a inspiré bien des maîtres qui l'ont suivi, Cézanne et les impressionnistes notamment. Où l'on découvre que l'ambition de Gustave Courbet, fils de paysan aisé, d'être un artiste novateur au coeur du réel, n'a pas gommé dans sa pensée créatrice ses origines populaires.

Il y a donc cette affiche que l'on voit partout. Un autoportrait intitulé "Le Désespéré" daté de 1843-45. Cela fait à peine plus de trois ans que Courbet est à Paris. Inquiétude du jeune artiste face à un monde pas forcément accueillant qu'il découvre? Ou exercice de style sur les caractères de l'humain comme d'autres peintres l'ont fait avant lui ? Un peu des deux certainement. Sa correspondance, notamment avec sa famille restée à Ornans (Doubs), sa ville natale, est riche d'indications.

A ce propos, on ne saurait trop recommander de suivre la soirée 'Thema Courbet' sur la chaîne Arte ce 19 octobre. Le documentaire de Romain Goupil sur "Gustave Courbet, les origines de son monde" (*), passionnant et sans emphase, s'appuie non seulement sur les oeuvres qu'il montre et replace dans leur genèse, mais aussi sur l'abondante correspondance. Les attaques contre Courbet le peintre, mais aussi contre Courbet le politique fortement engagé aux côtés des communards, résonnent étonnement. Et il y a aussi ce documentaire signé Jean-Paul Fargier, véritable enquête policière sur l'histoire du "nu le plus nu", cet "Origine du Monde" que Courbet signait en 1866 et qui après sa naissance disparut pour finalement réapparaître aujourd'hui au Musée d'Orsay.

L'exposition propose une découverte de l'oeuvre de Courbet en huit étapes particulièrement efficaces. "L'invention de Courbet: les autoportraits de jeunesse" où l'on croise "Le Désespéré", "L'homme blessé" ou encore "L'homme à la pipe" et son étonnant clair-obscur. Suivent "De l'intime à l'histoire" avec des peintures d'amis proches ou la famille de son Jura natal ("Un après-dînée à Ornans"..). "Les manifestes" où explosent littéralement les très grands formats d' "Un enterrement à Ornans" et "L'Atelier du peintre". Le premier agit comme une bravache populaire au "Sacre de Napoléon 1er" de David, et le second met l'artiste (lui-même) au centre de la société comme une revendication de la réalité de l'époque.

On suit l'artiste dans "Courbet paysagiste" (surprenants paysages de mer, de vagues puissantes...), dans "La tentation moderne" et ses tableaux parlant de personnages croisés dans la vie ("Jo, la belle irlandaise"..) ou des éléments qui les accompagnent ("Les lévriers du comte de Choiseul"...). Et on le suit toujours dans cette salle 6 ("Le nu, la tradition transgressée") très attendue parce qu'en "peignant une femme d'âge mur, aux formes robustes, à la chair marquée par des années et l'embonpoint, le peintre rompait avec les codes étroits de la représentation de la nudité féminine", note dans le somptueux catalogue de l'exposition Dominique de Font-Réault, conservateur au musée d'Orsay.

Cette sixième section, parfaitement orchestrée pour retrouver "L'Origine du monde" et ses deux caches (sexe) qui l'ont soustrait aux regards du premier venu (notamment chez Lacan, le psychanalyste qui en fut l'un des propriétaires) ne doit pas clore la visite. Car il ne faut pas rater le Courbet peintre animalier, notamment son terrible "l'Hallali du cerf", et le Courbet dans sa rage républicaine (huitième salle "Courbet et la Commune"), même si après les événements et son emprisonnement à Sainte-Pélagie, il retrouve dans son exil suisse le besoin de peindre des natures mortes.

Jusqu'au 28 janvier au Grand Palais à Paris avec, dans le parcours de l'exposition, des photos du suisse Balthasar Burkhard, né en 1944, admirateur de Courbet. Renseignements: 01 44 13 17 17. Résa: outre les points de ventes classiques, www.rmn.fr
L'exposition sera présentée au Metropolitan Museum of Art (New York) du 27 février au 18 mai 2008, et du 13 juin au 28 septembre 2008 au Musée Fabre à Montpellier.
Catalogue richement documenté: RMN éditions, 472 pages, 500 illustrations, 49 euros.
Autres livres: "Courbet. Le poème de la nature" par Pierre Georgel. Découverte Gallimard/RMN, 128 pages illustrées, 14 euros.
"Courbet. Un peintre à contre-temps" par Thomas Schlesser. Editions Scala, 128 pages illustrées, 15 euros.
"Correspondance de Courbet" par Petra Ten Doesschate Chu. Flammarion, 320 pages, 27 euros.

(*) Diffusion ce 19 octobre à 22h10 sur Arte. Le DVD "Courbet" Arte Vidéo. 23 euros.

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