Le dossier Eramet prend une tournure politique

Les ministres de l'Economie, Thierry Breton, et de l'Outre-Mer, Hervé Mariton, ont écrit au président du conseil de surveillance d'Areva pour demander des éclaircissements sur l'éviction du PDG d'Eramet, Jacques Bacardats. De son côté Areva affirme que les règles de gouvernance ont été respectées.

Le ton monte une fois de plus entre Areva et le gouvernement tandis que le dossier Eramet prend une tournure politique. Les ministres de l'Economie, Thierry Breton, et de l'Outre-Mer, Hervé Mariton, ont écrit au président du conseil de surveillance d'Areva pour demander des éclaircissements sur l'éviction du PDG d'Eramet, Jacques Bacardats. Les deux ministres ont ainsi écrit au président du conseil de surveillance d'Areva, Frédéric Lemoine, pour "lui demander, d'ici à la prochaine réunion du conseil de surveillance le 3 mai, d'obtenir de la présidente (du directoire) d'Areva, Anne Lauvergeon, des éclaircissements" sur cette décision.

Areva (26% du capital) et la Sorame/Ceir (37%), représentant la famille Duval, les deux principaux actionnaires du groupe minier français Eramet, ont fait tomber mercredi, à la surprise générale, son PDG Jacques Bacardats, en ne renouvelant pas son mandat, au motif que le groupe avait besoin d'un "dirigeant plus jeune". Jacques Bacardats a été remplacé par Patrick Buffet, membre du conseil de surveillance du groupe nucléaire, présenté comme un proche d'Anne Lauvergeon. Areva représente indirectement l'Etat dans Eramet. En 1999, au moment de la recomposition de son capital, avec l'entrée de la famille Duval après l'intégration de leur société au sein du groupe, l'Erap, holding d'Etat, avait logé sa participation dans la Cogema, devenu depuis une des composantes d'Areva.


De fait, la demande d'éclaircissement du gouvernement porte d'une part "sur la méthode, car le conseil d'administration d'Eramet avait décidé de reconduire Jacques Bacardats", selon une source gouvernementale citée par l'Agence France Presse. Mais elle porte aussi sur le fond, car si Areva a bel et bien informé le gouvernement de ses intentions, Mme Lauvergeon "n'a pas répondu à la question de savoir quelle est la raison qui a poussé Areva à faire cela. Jacques Bacardats n'a pas démérité, alors est-ce qu'il y a une stratégie derrière cette décision?", s'interroge-t-on au gouvernement.

"Nous souhaiterions y voir plus clair", a indiqué à l'AFP Hervé Mariton, qui s'est dit "très attentif au bon développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie où Eramet joue un rôle essentiel". Eramet est la maison-mère de la Société Le Nickel (SLN), l'opérateur historique du nickel calédonien, qui emploie quelque 2.200 personnes sur le Caillou et possède environ 70% des droits d'exploitation de ce métal sur l'île.

Depuis plusieurs semaines, Anne Lauvergeon indique que sa part dans Eramet est "trop ou pas assez", suscitant des interrogations sur sa volonté d'augmenter sa participation ou au contraire de la céder.
Reste que dans cette affaire on voit mal le champion français du nucléaire, lui-même détenu par l'Etat, agir sans en avoir préalablement référé à son actionnaire. Il a peut-être même agi sur ordre. A moins que... Car en cette période électorale de fin de gouvernement - avec un Président de la République et un Premier ministre non candidats -, tentation peut naître de se passer des consignes du pouvoir. D'autant qu'Areva, en l'occurence sa présidente, Anne Lauvergeon - ex sherpa de François Mitterrand et donc cataloguée à gauche mais basculée aujourd'ui dans le camp des sarkozystes - ne cache pas ses ambitions pour l'après présidentielle, à savoir une ouverture du capital et peut-être un mariage avec Bouygues et Alstom (dont le premier détient 25% du second). Et Areva a déjà tenté par le passé de céder sa participation dans Eramet avant d'en être empêché par Matignon et Bercy. Mais les temps changent.

Dans un communiqué, Areva a tenu à répondre très précisément aux accusions. Le groupe affirme ce vendredi que l'éviction du PDG d'Eramet et son remplacement s'étaient déroulés "conformément aux règles de gouvernance". Le groupe nucléaire public a en outre tenu à préciser que l'Etat en avait été informé à l'avance. "Avant même d'avoir reçu ce courrier", Areva tient à préciser que "les décisions relatives à la nomination d'un nouveau PDG d'Eramet ont été prises conformément aux règles de gouvernance d'Eramet", souligne le groupe dans un communiqué. "La décision de non-renouvellement du mandat de Jacques Bacardats a été approuvée par l'assemblée générale d'Eramet par 97,8% des votes exprimés, les représentants de la Nouvelle-Calédonie (qui détient environ 5% du capital d'Eramet) ont voté en faveur du non-renouvellement", ajoute-t-il. Par ailleurs, "le directeur général de l'Agence des participations de l'Etat a été informé le mercredi 18 avril 2007", soit une semaine avant la nomination comme PDG de Patrick Buffet qui "a été félicité par un ministre délégué de Bercy dans la soirée du 18 avril", assure Areva.

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