L'action se situe à Parme, dans l'Italie de la Renaissance. "Dommage qu'elle soit une putain", chef d'oeuvre de John Ford, est une pièce étonnante de modernité écrite par un contemporain de Shakespeare. Elle raconte la passion incestueuse entre un frère Giovanni et sa soeur Annabella. Le schéma de la tragédie, entre un amour impossible et la terrible vengeance d'un mari trompé. Un classique du théâtre post-élisabéthain que le metteur en scène Stuart Seide remet au goût du jour en accentuant baroque et décadence.

La démesure des actes et des gestes est caractérisée par l'extravagance des costumes et des décors. Les comédiens composent et transforment à outrance leurs corps et leurs visages. Des jeunes jouent des vieux et des femmes se travestissent en hommes. Il s'agit de sortir des codes de la société du protocole qui régit le Bien et le Mal. La cruauté et la crudité du langage montrent ici un théâtre sans concession.

Le personnage d'Annabella est condamné d'avance parce qu'elle choisit d'aimer un homme de même sang. Le poids des familles et du rang rend cette passion impensable. La révolte des amants est donc au coeur de l'intrigue, dans cette quête absolue du désir qui fait fi de l'ordre établi. Une liberté qui s'obtient par la folie meurtrière.

La mise en scène est une invitation à un banquet funèbre, "signe annonciateur de la mort" comme l'explique un des personnages. Un espace bi-frontal avec deux carrés géants qui se font face, l'un abrite le lit des ébats amoureux et du plaisir maudit, l'autre celui des juges et pourfendeurs de la morale. Au milieu une longue table, symbole de cette vie fragile, fait le trait d'union entre ces deux versants. Le public de part et d'autre de la scène est mis en danger tout comme les comédiens. Un véritable corps à corps qui entraîne dans une fascination du pire.


"Dommage qu'elle soit une putain" jusqu'au 17 juin au Théâtre Nanterre-Amandiers 7, avenue Pablo-Picasso 92022 Nanterre. Tél: 01 46 14 70 00