Vergès, l'avocat du diable

"L'avocat de la terreur", remarquable documentaire de Barbet Schroeder, suit le parcours sinueux, plein de zones d'ombre, de l'avocat Jacques Vergès.

Plus de trente ans après son mémorable "Idi Amin Dada" (1974), Barbet Schroeder revient au documentaire avec une enquête remarquable sur le sulfureux avocat Jacques Vergès. Avec la minutie du détective, il retrace le parcours rocambolesque de celui qu'il nomme "L'avocat de la terreur", dans un film passionnant de plus de deux heures, présenté dans la section officielle "Un certain regard" au Festival de Cannes.

Toujours à mi-chemin entre le politique et le judiciaire, Vergès y est vu comme un personnalité complexe, homme extrêmement cultivé que son amie Rolande Girard-Arnaud décrit comme "éperdument sentimental", militant marxiste de la première heure, né en 1925 d'un père réunionnais et d'une mère vietnamienne.

Alternant de multiples témoignages, à commencer par celui de l'intéressé lui-même, Schroeder entremêle habilement images d'archives et interviewes, entre autres celle de Magdalena Kopp, terroriste allemande d'extrême gauche et première épouse de Carlos que Vergès a défendue et dont il était amoureux, le journaliste Lionel Duroy, auteur d'une enquête sur l'avocat, le très pittoresque dessinateur Siné qui ne mâche pas ses mots...

Avocat des mouvements de libération nationale, Vergès glisse insensiblement à la défense des terroristes de tous bords, oscillant entre extrême- gauche et extrême-droite. Carlos, le terroriste libanais Anis Naccache, le nazi Klaus Barbie, le Serbe Slobodan Milosevic ou l'ancien vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz figurent pêle-mêle parmi ses clients.

Au commencement de sa carrière dans les années 60, Vergès épouse la cause anticoloniale en Algérie et défend passionnément Djamila Bouhired, poseuse de bombes du FLN et passionaria de l'indépendance algérienne, qu'il a épousée après l'avoir sauvée de la peine de mort et en avoir fait un emblème mondial de la lutte anticoloniale. Le souvenir de cette période occasionne le seul moment d'émotion du film, où l'on voit l'idéologue de la "stratégie de rupture" laisser tomber le masque.

Le personnage commence à devenir vraiment suspect lorsque surgit la figure de François Genoud, nazi suisse, financier de mouvements nationalistes arabes, qui croise les pas de Vergès dans la défense des membres du FPLP qui ont détourné un avion d'El Al à Zurich.

A partir de quoi, la piste de Vergès se perd dans les sables: entre 1970 et 1978, il quitte femme et enfants et disparaît. Une période qu'il appelle ses "grandes vacances" et sur laquelle planent de multiples hypothèses: séjour dans le Cambodge de Pol Pot, en RDA, à Cuba? Terrorisme palestinien? Dette personnelle à éponger?... Un agent du contre-espionnage français suggère même qu'il aurait fait du renseignement pour les services secrets tricolores... Vergès, quant à lui, cultive le mystère avec une autosatisfaction non dissimulée, fier de s'attirer autant d'ennemis, heureux de confondre systématiquement cause perdue et cause juste.

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