Compromis à 27 sur les institutions européennes

Les Etats membres de l'Union européenne ont signé samedi un accord sur un traité européen destiné à remplacer la Constitution rejetée en 2005 par la France et les Pays-Bas. Ce texte devrait être adopté en octobre avant d'être ratifié par tous les pays.

L'Europe pourra disposer en 2009 d'un nouveau cadre institutionnel lui permettant "de renforcer (son) efficacité et (sa) légitimité démocratique et d'améliorer la cohérence de son action extérieure". Dès la fin octobre, les vingt-sept pays membres de l'Union européenne devraient entériner le "traité modificatif" appelé à ses substituer à la défunte Constitution. Ce texte devra ensuite être ratifié par tous les pays membres pour entrer en vigueur comme prévu à la mi-2009.

Cette accélération brusque et inattendue du calendrier est rendue possible par le détail des contours et du contenu du projet de traité arrêté à Bruxelles, à l'aube du 23 juin, par le Conseil européen. Un canevas très précis qui ne laissera pratiquement à la Conférence intergouvernementale, qui se réunira à partir du 23 juillet sous la présidence du Portugal, qu'une tâche de mise en forme.

C'est un succès indéniable pour Angela Merkel. La chancelière allemande a conjugué avec talent habileté et persévérance depuis son accession à la présidence du Conseil européen en janvier dernier. C'est aussi, de manière tout autant indiscutable, un succès pour le nouveau président de la République. En écartant tout nouveau référendum en France et en rassurant ainsi ses partenaires sur le sort possible d'un nouveau traité, Nicolas Sarkozy avait déjà fait sauter un verrou. En plaidant pour un "mini-traité" puis pour un "traité simplifié", le nouveau chef de l'Etat avait ensuite intéressé les capitales les moins "euro-enthousiastes". Sans encourir vraiment, pour autant, le risque de voir les autres capitales s'opposer à une solution, même modeste, permettant de sortir l'Union de la paralysie.

Négociations laborieuses
Il restait au chef de l'Etat français à atteindre l'objectif qu'il avait affiché : boucler dès ce Sommet un accord. Il a lui suffi, pour ce faire, d'être lui-même: hyperactif, habile tacticien, opiniâtre, enjôleur, etc. De son arrivée à Bruxelles à son départ pour Paris, samedi aux petites heures, il fut quasiment de tous les compromis, de tous les conciliabules, de toutes les négociations restreintes. Que ce soit avec son "ami" Tony Blair, avec les Premiers ministres luxembourgeois Jean-Claude Junker, italien Romano Prodi, et surtout espagnol, José Luis Zapatero, ou encore les deux "empêcheurs de tourner en rond" de ce Sommet : les deux frères Kaczynski, Lech, le président de la République présent à Bruxelles, et Jaroslaw à Varsovie.

Au final, un accord laborieusement négocié au terme d'un interminable marathon, mais qui constitue un indéniable retournement des choses. Pour commencer, au regard de la lenteur avec laquelle les Vingt-sept avaient cherché jusque là à sortir de la crise politique et institutionnelle provoquée il y a deux ans par les "non" français et néerlandais, et des longs délais qu'ils semblaient, encore tout récemment, prêts à se donner pour sortir de l'impasse. Ensuite, sinon surtout, au regard de l'extrême proximité entre ce futur "traité modificatif" et la défunte Constitution.

Certes, cette dernière dénomination a été abandonnée. Certes, aussi, il n'est plus question d'un seul texte remplaçant, comme le faisait la Constitution, tous les traités européens antérieurs ; il s'agit, en effet, d'un acte se bornant, comme le Traité de Nice, de décembre 2000, à mentionner tous les aménagements et toutes les innovations à introduire dans les deux traités coexistants aujourd'hui : le Traité sur l'Union européenne, en l'occurrence le Traité de Maastricht de 1992, et le Traité de 1957 instituant la Communauté économique, qui reprend toutes les politiques communes qui deviendra le "Traité sur le fonctionnement de l'Union".

Certes, encore, ont été gommés tous les symboles laissant penser à un "Etat" européen : le drapeau, l'hymne, etc. Certes, enfin, à la demande de Nicolas Sarkozy, l'instauration d'une concurrence "libre et non faussée" n'est plus au nombre des "objectifs" de l'Union, mais seulement un "moyen" d'assurer en Europe une économique hautement compétitive. Cela relevé, il reste à admettre que l'essentiel des avancées sur lesquelles les Vingt-cinq s'étaient entendus en 2004 pour approfondir l'intégration européenne et qu'ils avaient inscrites dans la Constitution se retrouvent dans le projet de "Traité modificatif". Un traité, de ce fait, loin d'être "mini" et même "simplifié".

Que le Royaume Uni ait obtenu que la Charte des droits fondamentaux ne puisse être invoquée par ses citoyens, que sa participation à des initiatives communes dans le domaine judiciaire ne puisse lui être imposée ou encore que le missi dominici des Vingt-sept pour les relations extérieures et la sécurité ne porte par le nom de "ministre européen des Affaires étrangères" mais de "Haut Représentant" ne changent pas vraiment le saut qualitatif que l'Union se propose de faire. Pas plus que le report à 2014, consenti à la Pologne, du recours à la double majorité (d'Etats et de population) en lieu et place des règles convenues à Nice qui ne fera, somme toute, que retarder de cinq à six ans une formule censée tout de même faciliter la prise de décision d'une Union qui comptera sans doute alors une trentaine de membres.

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