Le Medef accepte de discuter de préretraite pour pénibilité au travail

Contre toute attente, la séance de négociation sur la pénibilité au travail mardi a permis de sortir de l'impasse. Pour autant, tout reste à concrétiser, en particulier les critères permettant aux salariés usés par leur travail de bénéficier d'un dispositif de cessation anticipée d'activité.

L'histoire dira quelles sont les raisons du déblocage de la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité au travail. Car contre toute attente, alors que les discussions paritaires sur le sujet, entamées voilà plus de deux ans, étaient sérieusement dans l'impasse, la porte patronale s'est brusquement entrouverte lors de la séance plénière de ce mardi. Jusque-là opposé à toute discussion d'un dispositif permettant le départ en retraite anticipé pour des salariés usés prématurément par leur travail pénible, le Medef a fait volte-face.

"De même qu'il était juste que des gens ayant commencé à travailler à 14 ou 15 ans puissent partir en retraite plus tôt, il y a aujourd'hui un problème pour ceux qui ont eu un travail pénible pendant plusieures années et qui en subissent les conséquences au moment où ils partent en retraite", a reconnu Denis Gautier-Sauvagnac, chef de fil (Medef) de la délégation patronale. Mais là où les carrières longues sont financées par la solidarité nationale, via le régime de retraites, le Medef se résout à l'idée qu'en matière de pénibilité, "il faut deux types de responsabilité", celle de la collectivité et celle des entreprsies. Et qui dit co-responsabilité dit co-financement.

Les syndicats se sont réjouis de voir avancer d'un coup cette négociation, au premier rang desquels la CGT et la CFDT. "La délégation patronale est d'accord pour travailler sur la réparation. C'est une ouverture après trois ans de blocage", a souligné Jean-Christophe Le Duigou (CGT). Lundi, le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault a appelé au vote d'une loi-cadre pour mettre en place un système de préretraite pour pénibilité lors d'un meeting sur le sujet à Dunkerque. C'était au cas où le blocage de la négociation se confirmerait.

"De façon explicite, le Medef reconnaît qu'il y a un problème collectif et non individuel" en matière de pénibilité, s'est félicité pour sa part Jean-Louis Malys (CFDT). Comme la CFDT, qui a signé la réforme des retraites de 2003, laquelle prévoyait une négociation sur la pénibilité au travail et ses implications sur l'âge de départ en retraite, la CGT a tout intérêt à aboutir sur ce sujet. Mais alors que pour la CFDT il s'agit de faire la preuve qu'elle a eu raison de signer la réforme des retraites, pour la CGT il s'agit d'obtenir certaines garanties avant l'ouverture des discussions sur les régimes spéciaux de retraite.

"La négociation retraite (prévue en 2008 et au cours de laquelle un nouvel allongement de la durée de cotisation peut être envisagé) et sur les régimes spéciaux n'avancera pas si nous n'avançons pas sur la pénibilité au travail", prévient Joseph Touvenel (CFTC), qui plaide pour une "équité vis-à-vis des salariés": à travail pénible retraite anticipée, quelle que soit l'entreprise dans laquelle ce travail a été réalisé.

Les dispositifs de préretraite ne bénéficiant quasiment plus aujourd'hui de financements publics, ils ne sont plus guère utilisés par les entreprises pour faire partir leurs salariés avant l'âge de la retraite. Si bien que les licenciements ou les longues maladies sont les seules possibilités offertes aux salariés qui ne peuvent plus, mentalement ou physiquement, supporter leurs conditions de travail. Et le coût de ces départs anticipés qui ne disent pas leur nom est à la charge de la collectivité (assurance chômage ou assurance maladie).

Les partenaires sociaux se retrouveront le 19 juillet pour une nouvelle séance de négociation, au cours de laquelle ils doivent arrêter les critères de pénibilité. Et là, les choses s'annoncent difficiles. Certes, les écarts d'espérance de vie en fonction du métier exercé constituent un critère de départ à la retraite anticipé pour les syndicats comme pour le patronat. Mais le Medef souhaite que les critères ne soient pas clairement précisés dans l'accord national interprofessionnel, renvoyant pour cela à des négociations de branches. Surtout, il envisage la définition de critères d'éligibilité à un dispositif de préretraite qui n'aurait rien de "systématique".

A l'inverse, les syndicats souhaitent arrêter au niveau national des critères précis qui s'appliqueraient à tous les salariés. "L'accord interprofessionnel doit être un minima pour toutes les branches et toutes les entreprises", insiste Danièle Karniewicz (CGC). Si nous ne parvenons pas à un accord, c'est l'Etat qui prendra la main sur la question". Il n'a en effet pas échappé aux partenaires sociaux que parmi les conférences sociales organisées à la rentrée par le gouvernement, l'une portera sur les conditions de travail. "On va parler de la pénibilité à cette conférence. Ce serait bien qu'on avance d'ici là sur la question pour avoir notre mot à dire", estime Denis Gautier-Sauvagnac. FO souhaite aboutir à un accord avant la négociation retraite de 2008.

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