Roman Vishniac, la mémoire du Shtetl

Le photographe Roman Vishniac a témoigné de la vie des communautés juives d'Europe centrale dans les années 1930. Des images superbes aujourd'hui présentées au Musée d'art et d'histoire du judaïsme à Paris.

Il aurait pu mener une brillante carrière de zoologue. Voire de microphotographe. L'Histoire en a décidé autrement. Né en Russie au sein d'une famille aisée de la bourgeoisie juive, Roman Vishniac (1897-1990) a du s'exiler à Berlin en 1920 pour fuir le nouveau régime. Sans le sou, il décide alors de mettre à profit sa passion pour la photo et se lance dans le portrait et le photoreportage pour gagner sa vie.

C'était sans compter l'avènement des nazis. Devinant le sort qui serait bientôt fait aux juifs d'Europe, Vishniac s'embarque sur les routes de Pologne, de Lituanie, de Lettonie, de Hongrie et de Tchécoslovaquie en 1935, s'immerge au coeur du Yiddishland, traverse les Shtetl (mot yiddish désignant un village juif), se perd dans les ghettos. De cette échappée, le photographe rapporte plus de 15.000 clichés dont 70 font l'objet d'une exposition belle et poignante, au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris.

D'autres avant Vishniac, avaient fait une partie du voyage. A l'instar d'Henri Cartier-Bresson. Ou encore Georges Simenon. Mais nul n'a jamais réalisé un travail aussi puissant. Contrairement à ces derniers, Vishniac connaît parfaitement la culture des populations qu'il photographie. Il sait aussi qu'elles seront bientôt rayées de la carte. Alors il photographie la vie, dans un style unique, d'une beauté à couper le souffle. Par leur vivacité, certaines photos empruntent à la "Street photography" de New York. Telles ces scènes de marché vibrantes ou ces foules d'enfants pétillantes.

Le photographe applique également à ses portraits les règles du travail en studio, magnifiant ses sujets par des compositions et des éclairages d'une rare beauté. Enfin, chaque image est accompagnée d'un commentaire parfois malicieux, glaçant lorsqu'il évoque l'antisémitisme auxquels ces populations sont en butte. Rien d'étonnant à ce qu'elles aient été exterminées avec autant de facilité après.

Vishniac, pour sa part, parvient à rallier les Etats-Unis en 1941. Il tente d'alerter les Américains sur le sort réservé aux juifs d'Europe. Lorsque ses photos sont enfin publiées, il est trop tard. Le monde dont il avait témoigné a totalement été rayé de la carte.

Renseignements pratiques
"Roman Vishniac, un monde disparu". Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, 71 rue du temple, 75003 Paris. Tel : 01 53 01 86 60. Jusqu'au 18 février.

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