"Zodiac", polar frustrant

En compétition au Festival de Cannes et en salles, "Zodiac", un thriller aussi haletant que frustrant de l'Américain David Fincher. Un trio d'enquêteurs se perdent sur la piste d'un tueur en série qui a semé la terreur en Californie dans les années 70.

Avec "Seven" (1995), le jeune David Fincher s'était imposé comme un maître du thriller psychologique. Vivant ensuite sur cette réputation, il a réalisé des films qui ne l'ont pas égalé. Aujourd'hui, il retrouve avec l'affaire "Zodiac" toute sa capacité à semer le trouble à partir d'une énigme irrésolue qui prend une tournure obsessionnelle.

Après une enquête minutieuse et la rencontre de personnages impliqués, il a - avec l'accord et la collaboration de ces derniers, du moins les vivants -, reconstitué par le menu l'affaire du Zodiac, le Jack l'éventreur de l'Amérique, qui a semé la terreur en Californie dans les années 1970. Cette terreur, le réalisateur l'a lui-même vécue en tant qu'enfant vivant dans les parages. Sans complaisance avec la violence des crimes commis, le film, qui dépasse le genre du thriller, décrit la spirale infernale où se laissent aspirer les enquêteurs lancés aux trousses du criminel sans arriver jamais à fournir de preuve formelle. Palpitant malgré sa longueur (2h35) le film requiert l'attention constante du spectateur faute de quoi des pans entiers resteront obscurs.

L'affaire a fait couler énormément d'encre et l'un des enquêteurs, le dessinateur stagiaire au "San Francisco Chronicle", Robert Graysmith, lui a consacré deux gros livres. Le tueur a en outre inspiré des films dans ces années-là, "Bullitt" et "Dirty Harry", notamment. Il est vrai que celui qui se fait appeler le "Zodiac" est un criminel peu banal, un psychopathe qui envoie à la presse des messages codés annonçant ses crimes passés ou à venir, réels ou imaginaires. Véritables casse-tête, ces messages remplis de signes kabbalistiques où il mélange plusieurs alphabets, multiplient les références à la religion et au cinéma ("Les chasses du comte Zarov", notamment, un classique des films d'horreur des années 30).

Tout en incluant une multitude de personnages ayant eu trait à l'affaire, le film se focalise sur trois protagonistes, qui tous ont plongé corps et âme dans l'énigme et y ont laissé des plumes. Le premier d'entre eux est le jeune dessinateur de presse, Graysmith, un personnage lunaire, bien joué par Jake Gyllenhaal, celui que ses collègues nomment l' "attardé" et qui se prend de passion pour cette affaire, forçant la porte de policiers tenus au secret qui finissent toujours par céder à son insistance. Le dessinateur réussira le mieux dans la résolution de l'énigme, pointant, peut-être abusivement - et c'est la faiblesse du film - la culpabilité d'un ancien enseignant condamné pour pédophilie, mort en 1992. Cette obsession, le cartoonist la paiera au prix de sa vie privée.

Encore plus malheureux, le sort du chroniqueur judicaire au même quotidien Paul Avery, qui faute d'arriver à des conclusions irréfutables sombra dans l'alcool et la coke. Quant au flic de service, l'inspecteur David Toschi (Mark Ruffalo), il fut radié de la crime et s'est reconverti en détective privé. Où l'on voit que le Zodiac a fait bien d'autres victimes que celles qu'il a physiquement assassinées.

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