Un kaléidoscope nommé Bob Dylan

Dans "I'm not there", l'excellent cinéaste américain Todd Haynes tente de capter la personnalité insaisissable de Bob Dylan. Le chanteur est incarné à l'écran par sept acteurs différents selon ses prises de position, ses revirements, ses albums. Dont un Dylan au vitriol joué par la formidable Cate Blanchett.

Auteur de cinéma parmi les plus brillants et les plus originaux de sa génération, Todd Haynes, 46 ans, a un faible, et un talent particulier, pour les films musicaux. Avec pour emblèmes des artistes-phares, révélateurs de tout une société. On se souvient notamment de "Velvet Goldmine" (1998) sur des idoles du glam rock qui firent fureur en Angleterre dans les années 70.

Cette fois, il s'attaque à une personnalité qui manifestement le fascine pour son caractère insaisissable, Bob Dylan, génial électron libre, idole musicale de toute la deuxième partie du XXème siècle, capable des revirements les plus inattendus, passant de la folk music au rock des plus électriques, de la chanson engagée protestataire au registre intime, abandonnant le judaïsme pour le christianisme illuminé des "Born again" avant de repasser par la case départ...

Afin d'incarner à l'écran ce feu follet, le réalisateur a eu l'idée, qui peut sembler déconcertante, de faire appel à sept acteurs différents (dont une actrice), chacun d'entre eux représentant tel ou tel épisode ou période de sa vie, telle ou telle prise de position toujours radicale, tel ou tel album... Le tout sans chronologie mais avec suffisamment d'habileté pour que ces figures s'imprègnent dans les mémoires et finissent par donner de la cohérence à un personnage aussi... incohérent.

Ces qualités ont valu à "I'm not there" deux récompenses au Festival de Venise: le Grand Prix du Jury pour le film et la Coupe Volpi de la meilleure actrice décernée à Cate Blanchett. A noter que le titre du film reprend l'une des chansons, révélée ici pour la première fois, des "Basement Tapes", composées pendant la période qui a suivi son accident de moto, en 1966, quand il s'est enfermé dans sa maison de Woodstock avec femme et enfants. En attendant de passer à autre chose...

Deux personnages récurrents à travers le film donnent un tant soit peu les clés de cette personnalité toujours en mouvement. En premier lieu le narrateur et fil rouge, Arthur Rimbaud (Ben Whishaw), poète maudit et rebelle, créateur fulgurant, auteur du fameux "Je est un autre", adulé par Dylan, qui intervient par intermittences pour répondre à une commission d'enquête inquisitoriale penchée sur ses écrit protestataires. En second lieu, un gamin noir de 11 ans, vagabond parcourant le pays à bord de trains de marchandises, répandant la musique de Woody Gurthie, le chanteur folk dont la découverte a ébloui le jeune Dylan.

De ses avatars successifs, le plus spectaculaire et le plus provocateur fut sans sous doute celui du milieu des années 60 avec le virage à 180 degrés de la folk star vers le rock. Cela lui vaudra un succès international et la haine des sectaires, dont le critique musical Mr Jones qui le traite de Judas. A charge pour Cate Blanchett, qui s'en tire magnifiquement, d'incarner ce Dylan au vitriol, androgyne chevelu carburant à la dope, rétif à tout étiquetage, prenant un plaisir sadique à dérouter ses fans.

Et puis, il y a aussi le Dylan sentimental (Heath Ledger) vivant des liaisons chaotiques avec les femmes (Charlotte Gainsbourg les représente toutes), le Dylan retiré de la vie publique (Richard Gere tout à fait inattendu)... Et tant d'autres visages encore de cet artiste multifaces.

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