Point de Vue Pour que l'Europe devienne un héritage

Le point de vue de- Bertrand Deprez

"L'Europe ne sera pas un héritage, ce sera une volonté ou la mort." Cette phrase de Malraux fut l'axiome européen de Nicolas Sarkozy lors de la campagne pour l'élection présidentielle. L'Union européenne s'est construite sur une série d'initiatives politiques qui ont visé à plus d'harmonisation et d'intégration. Jusqu'à l'échec des référendums organisés en France et aux Pays-Bas sur la Constitution européenne, beaucoup avaient une vision optimiste, à plus ou moins long terme, de la construction politique de l'Europe.

Pourtant, les votes négatifs dans ces deux pays fondateurs de l'Union ont montré que le destin d'une Europe unifiée pouvait toujours se briser, à défaut de volonté commune. L'adoption prochaine d'un traité simplifié a mis du baume au coeur aux partisans d'une Europe politique. Ce texte va faciliter le fonctionnement des institutions européennes et en améliorer la lisibilité. Mais la difficulté à accoucher de ce traité a démontré les limites du modèle traditionnel de la construction européenne, dont les grandes avancées se fondaient jusqu'alors, en grande partie, sur des négociations interétatiques. Cette façon de faire progresser l'Europe semble en panne avec vingt-sept États membres.

L'âpreté et les relents nationalistes qui ont marqué les négociations autour de ce texte ont illustré les limites de ce modèle, jusqu'à la caricature. En outre, rien ne garantit la mise en oeuvre du traité simplifié puisque son processus de ratification peut être bloqué par l'un des États membres, comme ce fut le cas pour la Constitution européenne. Il est donc temps aujourd'hui de penser un modèle de construction européenne qui donnerait une plus grande place à un espace démocratique paneuropéen. Il existe déjà.

Les futures élections du Parlement européen, en 2009, devraient être l'occasion d'un débat entre Européens sur les valeurs, les modèles et les projets politiques qu'ils veulent donner à l'Europe. Un débat qui porterait, par exemple, sur la stratégie de l'Europe dans la mondialisation, les politiques contre le changement climatique ou la mise en place d'un gouvernement économique et monétaire européen. Cependant, sans volonté politique, il est très probable que ce débat n'aura pas lieu. Comme par le passé, les débats resteront cantonnés à l'intérieur des frontières nationales sans lien avec la réalité de l'Union européenne. Le débat sur la Constitution en France a ainsi été l'occasion de discussions houleuses sur une "Europe sociale" mythifiée et déconnectée des réalités des autres sociétés européennes. Et ce manque d'espace démocratique nourrira l'aigreur et la lassitude tout en exacerbant les risques de blocage de l'Europe. Pourtant, la guerre en Irak, le réchauffement climatique ou encore l'euro sont autant de sujets auxquels les citoyens ont déjà reconnu une dimension politique européenne.

Dans ce contexte, la France peut jouer un rôle fondateur. Elle sera à la tête de l'Union à partir du mois de juillet 2008, à un moment charnière. La France a également élu à sa tête un président habité par un volontarisme politique et par le désir de faire avancer l'Europe. Un président qui, lors de la campagne électorale, a repris à son compte certaines propositions non partisanes qui pourraient aider à faire germer un nouvel espace démocratique européen. Par exemple, par la mise en place, lors des prochaines élections européennes, de projets politiques paneuropéens qui incluraient la désignation de candidats à la présidence de la future Commission. Ou la fusion des listes de candidats entre différents États, sur une base volontaire, qui permettrait d'avoir des listes communes entre États et un débat sur les enjeux européens au dehors des prismes nationaux.

Cependant, cet aspect-là n'apparaît pas dans les futures priorités de la présidence française qui ont été dévoilées par le secrétaire d'État aux affaires européennes fin août. Si les priorités énoncées (immigration, recherche, environnement, affaires étrangères, croissance et emploi) sont des sujets éminemment importants, il flotte comme un parfum d'absence sur ce désir de reconstruction politique de l'Europe qu'avait exprimé Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle. L'Europe a besoin de nouvelles fondations.

Ces fondations passent par une participation accrue des citoyens dans les politiques européennes, et plus seulement de leurs représentants politiques. La future présidence française de l'Union aura l'opportunité unique de tracer les contours d'un débat qui pourrait en déterminer le futur. Ne laissons pas passer cette chance si nous voulons qu'un jour l'histoire de l'Union européenne se transforme réellement en héritage.

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