15 novembre 2007, possible jour de vérité pour les banques américaines

La mise en oeuvre de la norme comptable FASB 157 va forcer les établissements financiers américains à déprécier la valeur de certains actifs sur leur bilan. Les montants en jeu seraient considérables.

Depuis le début de la crise financière américaine, les grandes banques ont passé pour un peu plus de 20 milliards de dollars de dépréciation d'actifs. Elles ne l'ont pas fait de gaîté de coeur, leur encadrement espérant que la situation sur le marché des titres de créances hypothécaires et assimilés (CDO, "Collaterized Debt Obligation") pouvait s'améliorer. Il n'en est rien. Au contraire, les indications que l'on peut recueillir à l'aide de l'évolution de certains indices prouvent que les prix de ces titres n'ont pas cessé de se dégrader.

A tel point que les tranches de CDO qui étaient notées AAA ou AA par les agences de rating (Fitch, Moody's et Standard and Poor's) valent entre 50% et 80% de leur valeur nominale. A condition, bien sûr, de trouver un acheteur. Or, les acheteurs ont déserté le marché. Alors que faire ?

Jusqu'à présent, les banques ont parqué certains de ces titres dans leur bilan sous la rubrique "Level 3", déterminé par le Federal Accounting Standard Board (FASB). Il existe trois niveaux pour évaluer les titres. Le premier, "Level 1", concerne les titres activement traités sur les marchés, pour lesquels il est facile de constater un prix chaque jour. Le deuxième niveau, "Level 2", rassemble des titres un peu moins liquides, certainement négociés moins activement, mais qu'il est possible d'évaluer par similitude avec des titres plus actifs. Le troisième niveau, "Level 3", est destiné aux actifs qu'on ne peut pas évaluer avec discernement même en utilisant un modèle mathématique sophistiqué.

Le "Level 1" utilise le "Mark to Market", l'évaluation à la valeur de marché, tandis que le "Level 3" est le domaine du "Mark to Model", autrement dit de l'évaluation selon des suppositions prédéterminées, ou, pour les mauvaises langues, de l'évaluation au gré du vent. Forte de son rating AAA ou AA, une tranche de CDO parquée en "Level 3" peut être valorisée 95%, 98% ou 99% de sa valeur nominale par une banque quand bien même sa valeur théorique de marché est un fraction de ce niveau. La banque peut fonder sa décision sur le rating de la tranche.

Mais peut-on faire encore confiance à des notations que les agences de rating ne cessent de rajuster à la baisse ?
A partir du 15 novembre 2007, la mise en oeuvre de la règle FASB 157 devrait couper court aux évaluations fantasques des banques. La date a été fixée il y a un an. Les directeurs financiers devront sans doute procéder à une opération vérité. Au vrai, les bilans des grandes banques d'affaires américaines mentionnent déjà le montant des actifs parqués en "Level 3".

Toutefois, il manque une information clef : le pourcentage de dépréciation par rapport à la valeur faciale des actifs. Si la dépréciation n'a pas encore été effectuée, ou si elle n'est que minime, on peut s'attendre à de nouvelles provisions considérables. Rappelons qu'après avoir annoncé une provision de 5,9 milliards de dollars lors de ses résultats du troisième trimestre fiscal, Citigroup a annoncé devoir passer une provision supplémentaire comprise entre 8 et 11 milliards de dollars. Or, on découvre à la lecture de son dossier 10-Q remis à la Securities and Exchange Commission (SEC) que Citigroup porte 136 milliards de dollars d'actifs dans la catégorie "Level 3" au 30 septembre 2007. Ceci à comparer à des fonds propres de 126,9 milliards de dollars. Bien sûr, la totalité des actifs du "Level 3" ne sont pas constitués par des subprimes ou des CDO sans liquidité. Par ailleurs, Citigroup a réduit son exposition au risque mais on peut se demander si les 8 à 11 milliards de dépréciation prévue seront suffisants.

La lecture des autres dossiers 10-Q est édifiante. Merrill Lynch semble pas trop mal loti avec 27 milliards de dollars de "Level 3" pour des fonds propres de 38,6 milliards. Lehman Brothers est dans une situation plus délicate avec 36,8 milliards de "Level 3" pour des fonds propres de 21,7 milliards de dollars. Bear Stearns ? 18,3 milliards de "Level 3" pour des fonds propres de 13 milliards de dollars. Goldman Sachs ? 72 milliards de "Level 3" pour des fonds propres de 39 milliards. Morgan Stanley ? 68 milliards de "Level 3" pour des fonds propres de 35,25 milliards de dollars. JP Morgan Chase ? 15,2 milliards de dollars de "Level 3" pour des fonds propres de 120 milliards de dollars. Bank of America ? C'est visiblement la banque la plus solide avec 27,8 milliards de dollars de "Level 3" pour des fonds propres de 138,5 milliards de dollars. N'oublions pas que Bank of America a secouru Countrywide.

Cependant, de tels niveaux prouvent que les grandes banques américaines vont devoir renforcer leurs fonds propres. La distribution de dividendes sera sous pression tout comme les programmes de rachat de titres. Il ne serait pas étonnant que des fusions permettent d'amoindrir l'impact de la crise. D'où des changements possibles de logo : Morgan Sachs ? Merrill Stearns? Citi of America ? Lehman JP Morgan Chase ?... A vous de juger.

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