Davantage de perspectives en entreprise pour les docteurs en sciences sociales

L'évolution vers une économie immatérielle est favorable aux docteurs en SHS. Les entreprises auront besoin de ces profils créatifs et rigoureux. La preuve par les chiffres.

Ils sont allés jusqu'au bout. Bac + 8, dont trois ans minimum à plancher sur une thèse de philosophie, de lettres ou encore de sociologie. Et ensuite ? Il n'y a pas que la recherche et l'enseignement. Un colloque organisé par l'Université de Versailles proposait d'analyser les débouchés des jeunes docteurs sciences humaines et sociales (SHS) sur le marché "non académique".

En effet, un quart de ces anciens thésards frappent désormais à la porte des entreprises privées - ils n'étaient que 15% il y a à peine 5 ans. C'est, d'une part, une fatalité : ces derniers sont en effet toujours plus nombreux (40 000 inscrits, 4500 thèses SHS délivrées chaque année, + 50% en 10 ans), tandis que les postes en universités ou centre de recherche évoluent peu. Les bourses Cifre (Convention Industrielle de Formation par la Recherche), qui permettent de réaliser une thèse en entreprise, connaissent ainsi de plus en plus de succès dans ces filières.

D'autre part, les entreprises sembleraient moins frileuses à embaucher ces jeunes. Une reconnaissance portée, depuis l'harmonisation des diplômes, par celle dont bénéficient les PhD dans les pays anglo-saxons. "La méfiance tend à diminuer. L'évolution vers une économie toujours plus immatérielle est favorable aux docteurs en SHS. Les entreprises auront besoin de ces profils créatifs et rigoureux pour la gestion du capital humain, de personnes qui savent insérer les problèmes dans un environnement plus large", explique Martine Pretceille, directrice de l'association Bernard Grégory, qui aide les docteurs à trouver un emploi.

Fonctions

D'après l'enquête réalisée par la sociologue Odile Piriou, les docteurs SHS occupent quatre types de fonctions dans les entreprises : consultants (43%), chargés d'études (40%), managers (22%), formateurs ou conseillers en formation (37%). Ils sont par exemple embauchés comme responsable de la formation professionnelle, adjoint aux ressources humaines, consultant ergonome, analyste du marché de l'emploi ou encore psychologue dans un cabinet de recrutement.

Salaires

Une moyenne effectuée par l'association Bernard Grégory pour les docteurs travaillant dans le secteur privé a été établie à 36,2 k€ (salaire d'embauche). C'est beaucoup plus que la moyenne des docteurs en SHS tous secteurs confondus : 27,5 k€ selon le Cereq. Lors du colloque, une jeune chargée d'étude à France Telecom gagnait 38 k€, une consultante dans un cabinet spécialisé dans la maîtrise des risques 39 k€.

Chômage

L'insertion reste encore difficile. D'après le Cereq, trois ans après leur soutenance, 22 % des docteurs SHS étaient encore en CDD, et 17% au chômage - un taux identique aux diplômés de masters SHS, mais largement supérieur aux autres doctorants (11%). Avec une exception : les titulaires d'une thèse Cifre : seuls 6% sont au chômage trois ans après.

Obstacles

La méconnaissance est partagée. Du côté des entreprises : méconnaissance du monde universitaire, frilosité à investir dans la recherche, absence du grade de docteur dans les conventions collectives. "Il faut surtout davantage faire reconnaître la thèse comme une vraie expérience professionnelle, et non pas des études prolongées. Elle permet de développer de vrais compétences opérationnelles : méthodologie, organisation, autonomie, rédaction, prises de parole en public, conduire et mener bien un projet" explique Didier Demazières, directeur de recherche au CNRS.

Du côté des étudiants : ignorance du monde de l'entreprise et des débouchés hors académie. "La question de l'insertion professionnelle devrait se poser dès la 1ere année de thèse, et non pas à la fin", regrette Didier Desmazières.

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