Concurrence : la justice européenne confirme la condamnation de Microsoft

La Cour de justice européenne a confirmé ce matin en grande partie la condamnation de Microsoft pour abus de position dominante prononcée en 2004 par la Commission européenne.

Fin de partie pour Microsoft. La décision de la justice européenne est tombée ce matin. Le tribunal de première instance (TPI) de la Cour européenne de justice (CEJ) a confirmé, "pour l'essentiel", la condamnation pour abus de position dominante que la Commission européenne avait prononcée en mars 2004 à l'encontre du numéro un mondial des logiciels.

Ce dernier s'était alors vu condamné à une amende record de 497 millions d'euros et surtout à deux mesures correctives fortement contestées par Microsoft. Non seulement l'entreprise a dû commercialiser une version de Windows, son système d'exploitation quasi-hégémonique (qui équipe plus de 90% des PC dans le monde) dépourvue de son logiciel multimédia Media Player, l'exécutif européen estimant que l'intégration automatique de ce logiciel pénalisait les autres fabricants de logiciels audio-vidéo. Mais en plus, Microsoft a dû communiquer des protocoles informatiques plus fournis de son système d'exploitation pour les serveurs à ses concurrents afin de favoriser l'interopérabilité.

Dès juin 2004, la firme de Redmond avait fait appel de cette décision devant la justice européenne. Mais quelques mois plus tard, le tribunal de première instance avait estimé que Microsoft devait appliquer les sanctions de Bruxelles avant le jugement sur le fond. Depuis, le groupe n'a jamais montré un empressement particulier à obtempérer. S'il a finalement commercialisé une version de Windows sans Media Player, il a rechigné à divulguer aux constructeurs de serveurs ses protocoles informatiques.

La décision de la justice européenne sur le fond a dû rassurer les services de Neelie Kroes, l'actuelle commissaire à la Concurrence. En donnant raison à la Commission, le TPI conforte ainsi le pouvoir anti-trust européen. "Bruxelles gagne ainsi en crédibilité", estime Michel Debroux, avocat associé chez Hogan & Hartson. D'autant plus que le TPI confirme la décision de la Commission sur les deux volets, celui de Media Player et celui de l'interopérabilité. Tout en rappelant au passage la position de Microsoft dans les PC et les conséquences néfastes sur la concurrence de la vente liée et de l'absence d'interopérabilité.

Seul point rejeté par le TPI, la désignation par la Commission d'un expert indépendant chargé de contrôler l'application des sanctions. Dans son jugement, le TPI "critique l'obligation imposée à Microsoft de permettre au mandataire [...] d'avoir accès aux informations [...] de ses produits" et estime notamment que "la Commission agit au-delà de ses pouvoirs dans la mesure où l'ensemble des coûts liés au mandataire est mis à la charge de Microsoft", ce que le droit communautaire ne prévoit pas".

Bruxelles et nombre de concurrents ont immédiatement "salué" cette décision. Neelie Kroes a d'ailleurs affirmé qu'elle constitue un "important précédent" pour ce qui concerne les obligations des entreprises dominantes en termes de concurrence. De fait, explique Michel Debroux, cette décision "pose le principe de la licence obligatoire à chaque fois que des produits s'imposent comme un standard". En d'autres termes, elle pourrait faire jurisprudence.

Lors d'une conférence de presse en début d'après-midi, le directeur général des affaires juridiques de Microsoft, Brad Smith, s'est contenté de qualifier ce jugement de "décevant" sans préciser si Microsoft fera appel. La firme de Bill Gates a deux mois pour le faire mais le pourvoi, non suspensif, ne pourra porter sur des questions de forme. Microsoft ne pourra donc pas contester les reproches établis par l'exécutif européen. Mais en cas de victoire, la décision sera annulée.

Dans le cas inverse, Microsoft, qui s'emploie régulièrement à intégrer de nouvelles fonctionnalités dans Windows, va devoir repenser sa stratégie, du moins pour ses produits vendus en Europe. Sans compter que de leur côté, les autorités japonaises et coréennes, qui ont déjà condamné Microsoft pour abus de position dominante, pourraient s'inspirer de la décision de la CEJ pour mettre la pression sur le géant de logiciels.

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