Bruxelles demande à la France de généraliser la distribution du Livret A

Comme latribune.fr l'a révélé hier, la Commission européenne a bien demandé ce jeudi à Paris d'étendre d'ici à neuf mois, à tous les réseaux bancaires installés en France, la distribution des Livrets A et Bleu. Pour l'heure, la Banque postale, le Crédit Mutuel et l'Ecureuil ont une exclusivité sur ces produits.

La Commission n'en pouvait visiblement plus d'attendre: elle a relancé ce jeudi les attaques contre le Livret A et le Livret Bleu, à l'occasion de sa première réunion suivant l'élection de Nicolas Sarkozy. Comme latribune.fr l'a révélé hier, Bruxelles exige de Paris une "banalisation" de ces produits d'épargne: dans un délai de neuf mois, tous les réseaux bancaires de France devront pouvoir proposer ces Livrets.

Aujourd'hui, seules la Banque Postale et la Caisse d'Epargne peuvent distribuer le Livret A, forts de 46 millions de détenteurs, attirés par son taux de rémunération de 2,75% nets d'impôt. Le Crédit Mutuel détient pour sa part un monopole sur le Livret Bleu qui offre les mêmes avantages et compte 5 millions de détenteurs.

Pour la Commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, ces exclusivités constituent une "restriction incompatible avec le droit communautaire". Elles font en effet obstacle à l'entrée et au développement de concurrents français ou étrangers sur le marché de l'épargne bancaire liquide en France, affirme la Commission.

Ce sont là précisément les arguments développés, notamment depuis le lancement de la Banque Postale, par les réseaux concurrents - Crédit Agricole mais aussi ING Direct en tête. Paris a bien tenté de se défendre dès juin dernier, après que Bruxelles eut adressé une mise en demeure à la France pour qu'elle modifie son système. Mais le gouvernement n'a, de toute évidence, pas convaincu avec son argumentaire.

Les fonds récoltés grâce à cette épargne populaire servent à financer le logement social, a expliqué le gouvernement Villepin. Dont acte, répond Bruxelles, mais "la banalisation de la distribution de ces livrets ne remettra pas en cause le maintien d'un niveau de collecte suffisant pour assurer le financement du logement social".

Autre argument français: la distribution de ces Livrets relève d'une logique de service public, puisque tout citoyen, quels que soient ses moyens, doit y avoir accès. Réponse de la Commission: cela n'interdit en rien la banalisation de ces produits, puisque, à l'avenir, les nouveaux réseaux s'ouvrant à cette épargne populaire "pourront être soumis à des obligations de service public spécifiques, en particulier celle d'ouvrir un livret à toute personne qui en fait la demande". Et d'insister: "La décision de la Commission ne remet pas en cause les missions d'intérêt général attachées à ces livrets, mais seulement leurs modalités d'accomplissement".

La France pourra se consoler en remarquant qu'elle a sans doute échappé au pire. En effet, la Commission ne profite pas de la banalisation des Livrets A et Bleu pour attaquer le système de financement du logement social. Neelie Kroes ne remet pas en cause le transfert à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) des fonds collectés, grâce à ces livrets, par l'Ecureuil, le Crédit mutuel et la Banque Postale. Au contraire, la Commissaire à la Concurrence précise même que cette centralisation à la CDC (qui lui permet ensuite de garantir des prêts aux collectivités locales) pourra être étendue à tous les établissements qui commercialiseront les Livret A et Bleu.

Autre bonne nouvelle, la France n'écope d'aucune amende. Bruxelles a certes déjà attaqué à de multiples reprises la rémunération que verse la CDC au Crédit Mutuel, pour compenser les frais de collecte du Livret Bleu. La Commission considère qu'il s'agit là d'une aide d'Etat illégale. Mais elle a choisi de ne pas étendre cette attaque au Livret A et à ses réseaux distributeurs actuels.

En revanche, Paris - qui envisage de contester devant la justice européenne cette mise en demeure de Bruxelles - pourra s'interroger sur la rapidité avec laquelle la Commission "dégaine" sur ce dossier sensible, dans les jours suivant l'élection présidentielle française. Certains, à Bruxelles, comme le Commissaire français Jacques Barrot, plaidaient pour le report de toute décision jusqu'à l'été. Ils estimaient, d'une part, qu'il était plus élégant de laisser la France retrouver ses marques. Et d'autre part que le prochain gouvernement serait ainsi en mesure d'envoyer à Bruxelles un négociateur muni d'un mandat précis. Neelie Kroes a jugé, elle, que sa patience était à bout. Elle avait déjà promis, à contrecoeur, de laisser ce dossier dans un tiroir le temps de la campagne présidentielle française. Sa parole ne l'engageait donc pas au-delà du 6 mai.

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