De grès à grès

La "céramique parisienne" est caractéristique de l'Art nouveau de la fin du XIXème siècle. Vases, plats et autres pots, surtout s'ils portent la griffe d'un artiste répertorié, font l'objet de nombreuses collections. Les prix ne sont pas spéculatifs.

En 1878, lors de l'Exposition universelle de Paris, la mode était aux objets "japonisants". Venues de l'archipel lointain, les premières céramiques en grès, essentiellement des bols à thé dénués de décor, ont séduit quelques férus de l'art du feu.

Progressivement, ces artistes franciliens ont développé la technique, notamment par l'apport de couches d'émail et en sculptant de nouvelles formes, faisant de ces objets de véritables oeuvres d'art uniques, et non plus des produits utilitaires courants.

En 1891, la céramique de grès dite "parisienne" est reconnue comme art officiel au salon de la société des Beaux-Arts. Cette consécration va de pair avec l'arrivée quasi industrielle du mouvement décoratif d'alors, l'Art nouveau, qui prône un retour à la nature, avec comme thèmes communs la faune et la flore domestique.

La production est alors prolifique: rien que pour celle de Delaherche, on dénombre plus de 22.500 pièces répertoriées, allant de petits objets d'intérieur à la décoration de façades d'immeubles en passant par l'installation de cheminées ou de frises murales de salles à manger.

Très longtemps délaissée, la céramique parisienne a retrouvé l'intérêt des collectionneurs depuis le milieu des années 1980; désormais le marché s'est développé, d'autant que les collectionneurs sont aujourd'hui très nombreux, y compris aux Etats-Unis, et surtout plus documentés. Le secteur reste peu spéculatif car il est sélectif. Reste que les cotes s'affermissent régulièrement. SAVOIR: Comme tout artiste, chaque céramiste a ses caractéristiques personnelles, d'autant que la plupart ont travaillé en collaboration avec d'autres, peintres, verriers, ébénistes, leur production s'intégrant dans un ensemble.

Parmi les signatures recherchées, Ernest Chaplet et sa couverture "sang de boeuf" très caractéristique, proche de celle réalisée par les Chinois, que les Occidentaux ont longtemps cherché à imiter. De lui, également sont appréciés les grès à patine brun mat et à décor incisé dans la pâte.

Albert Dammouse est connu pour ses décors naturalistes que l'on retrouve surtout dans les assiettes. Georges Hoentschel travaille son grès avec de la cendre pour obtenir des couleurs fondues, Pierre-Adrien Dalpayrat a inventé le grès "aux mille nuances" qui donne une couleur diversement irisée selon la lumière, Auguste Delaherche préfère des formes pures et des tons bruns aux effets flambés, Alexandre Bigot travaille la vaisselle en grès et des carrelages uniformes pour salles d'eau et devantures d'immeubles, Jean Carries agrémente ses vases de sculptures grotesques et certains objets restent gris à la sortie du four avec des scories volontairement apparentes, Ziegler a le goût de grès bruns aux décors chargés, Jean Charles Cazin est connu pour ses grès flammes, André Mettey, qui a notamment collaboré avec Vlaminck, aime les grosses pièces colorées, etc...

ACHETER: Dans un marché solide, les prix progressent au rythme de 10 à 15% par an, surtout pour les grands vases, les pièces richement décorées et les ensembles, paires ou petits services. On trouve de petites pièces à partir de 250 euros (par exemple un vase bilobé de 14 cm de haut au cachet P.A. Dalpayrat), mais il faut compter autour de 4.000 euros pour un plus grand vase pansu, 28 cm, à la monture de rocaille dorée du même et 15.000 euros pour un plus grand vase encore (46 cm) de forme balustre émaillé rouge sang de boeuf, caractéristique de Chaplet.

On trouve souvent des objets de la céramique parisienne en salles des ventes consacrées à l'Art nouveau, mais le grand spécialiste du genre, notamment, est la maison de ventes Camard qui organise plusieurs vacations annuelles dédiées à Drouot.

Un dernier point: si Pierre Adrien Dalpayrat (mort en 1912) installé à Bourg la Reine, est une " grande" signature du genre, donc onéreuse, ses fils Albert et Adolphe, manufacturiers respectivement à Arcueil et à Bagneux ont repris des modèles du père. Ils, ne doivent pas être confondus avec la production paternelle.

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