Le diable s'invite à l'Opéra Garnier

"The Rake's progress" d'Igor Stravinsky n'est pas le seul à faire ses débuts à l'Opéra de Paris ce mois-ci. Son brillant metteur en scène, Olivier Py, également. Le monde lyrique connaissait déjà bien l'actuel directeur du théâtre de l'Odéon, pour avoir signé notamment les wagnériens "Tannhaüser" et "Tristan et Isolde" au Grand Théâtre de Genève en 2005. Sa vision de l'oeuvre de Stravinsky, contant la déchéance progressive de Tom Rakewell (Toby Spence), un libertin prétentieux fuyant l'amour inconditionnel et pur d'Anne Trulove (Laura Claycomb), était donc fort attendue.

Le moins que l'on puisse dire est que le résultat est à la hauteur de l'attente. Olivier Py signe une mise en scène intelligente, diablement cohérente avec le livret du poète Wystan Howard Auden, et dont le crescendo dans la noirceur et la folie est tout simplement saisissant. La scène finale où Tom Rakewell, qui a sombré dans la folie, implore Venus avant de mourir est bouleversante et les talents d'acteur de Toby Spence n'y sont pas étrangers.

La mise en scène d'Olivier Py fait également la part belle à l'étrange, plus encore qu'au surnaturel. Nick Shadow (Laurent Naouri) règne sur un monde peuplé de fous, de clown nain en femme à barbe (Jane Henschel, délicieusement effrayante en Baba the Turk), en passant par les créatures sulfureuses du bordel de Mother Goose.

Est-ce parce que l'oeuvre de Stravinsky est directement inspirée d'une série de peintures homonyme de William Hogarth? La relation entre l'oeuvre et l'univers pictural est palpable.

Les cadres du décor, se resserrant et se desserrant à loisir sur les protagonistes, sont ceux des tableaux que dépeint la sombre fable. Et on ne peut s'empêcher, en assistant à cet opéra créé en 1951, de penser au "Portrait de Dorian Gray" d'Oscar Wilde et à l'ensorcelante adaptation à l'écran qu'en fit Albert Lewin en 1945. La fin précipitée de Tom Rakewell n'est en effet pas sans rappeler celle de cet homme ayant pactisé avec le diable et fuyant dans les bas-fonds de Londres l'amour sincère de la naïve Sybil Vane. Chez Albert Lewin comme chez Olivier Py, le noir et le blanc sont accentués comme éléments de contraste entre le bien et le mal. A l'avant de la scène, un sablier et un crâne trônent. Rappelant que le temps n'est qu'un jouet entre les mains de Nick Shadows et que la mort aura le dernier mot.

"The Rake's Progress" d'Igor Stravinsky, jusqu'au 24 mars 2008 à l'Opéra de Paris. Tél: 08-92-89-90-90. www.operadeparis.fr. Diffusion en direct sur France Musique le 22 mars, à 19h30.

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