Bruxelles favorable au rallongement de la durée des droits des interprètes

La Commission européenne a annoncé jeudi qu'elle allait proposer de faire passer de 50 à 95 ans la protection des droits des interprètes européens pour mettre fin à la discrimination existant avec les compositeurs. Mais Bruxelles relance aussi sur la question de la taxe sur la copie privée dont les montants sont reversés aux auteurs et interprètes.

"Nous ignorons bien souvent l'auteur de notre chanson préférée, mais nous connaissons en général le nom de l'interprète", a déclaré Charlie McCreevy, commissaire européen au Marché intérieur. Car dans l'univers musical, auteurs, compositeurs et interprètes se côtoient. Certains accumulent les trois casquettes, d'autres deux. Mais beaucoup ne rentrent que dans la catégorie interprètes. Or, depuis une directive de 1993, leurs droits sont protégés pendant cinquante ans quand ils le sont pendant toute la vie, et soixante-dix ans après pour les auteurs.

Bruxelles souhaite que cela change en protégeant davantage leurs droits. "J'ai l'intention de présenter une proposition pour étendre la protection des droits pour les interprètes européens de 50 à 95 ans", a indiqué jeudi Charlie McCreevy, lors d'une conférence de presse. Selon lui, rien ne justifie "qu'un compositeur bénéficie d'une protection de ses droits pendant toute sa vie et soixante-dix ans après, alors qu'un interprète ne voit ses droits protégés que pendant cinquante ans, ce qui ne couvre souvent même pas sa vie entière".

Cette mesure, si elle vise évidemment tous les interprètes, est surtout destinée aux "milliers de musiciens de studios anonymes" qui ont enregistré dans les années cinquante et soixante, et dont les redevances constituent souvent leur seule retraite. Une situation que connaissent moins les artistes célèbres. Charlie McCreevy reconnaît en effet moins penser aux "artistes de renom tels que Cliff Richards ou Charles Aznavour".

Le commissaire suggère par exemple, sans détailler, que les maisons de disques créent, pour rémunérer les musiciens de studio, un fonds qui leur réserverait "au moins 20% des recettes au cours de la période prolongée".

En France, le Syndicat national de l'édition phonographique a publié un communiqué ce vendredi pour faire part de sa satisfaction.

L'association Aepo-Artis, qui fédère plusieurs organisations d'interprètes au niveau européen et avait proposé un tel allongement, s'est félicitée que Bruxelles reconnaisse la "plus-value créative apportée par les interprètes", au même titre que les compositeurs, même si "certaines choses méritent d'être éclaircies", note-t-elle. Car Charlie McCreevy veut parallèlement relancer le débat concernant les taxes sur la copie privée, appliquées selon les pays sur les appareils permettant de réaliser les copies (ordinateurs, lecteurs MP3, etc.) ou les supports (CD).

Et ces montants sont reversés aux auteurs et interprètes. "Il ne peut être question de remettre en cause la compensation pour copie privée due aux titulaires des droits. Cependant, il est nécessaire de revoir la manière dont ces redevances sont prélevées en pratique", explique Charlie McCreevy, suggérant d'"appliquer les redevances proportionnellement à la perte causée par la copie privée".

"Les interprètes resteront extrêmement vigilants sur la question", a prévenu Guenaelle Collet, membre de l'Aepo-Artis. "Il ne faut pas qu'une annonce se fasse au détriment d'une autre." "Il n'y a pas d'alternative viable aux redevances sur la copie privée", mais "des petits ajustements à faire", a estimé Véronique Desbrosses, secrétaire générale du groupement européen des sociétés d'auteurs et compositeurs (Gesac). Elle a accueilli favorablement le fait que la Commission consulte l'industrie. En 2006, Charlie McCreevy avait déjà préparé une recommandation suggérant de supprimer les taxes sur la copie privée. Devant le tollé dans les milieux artistiques, qui n'avaient pas été consultés, le projet avait été reporté sine die.

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