La corruption de l'or noir

La saga d'un chercheur de pétrole dans l'Ouest américain, au début du XXème siècle, est somptueusement mise en scène par Paul Thomas Anderson dans "There will be blood". Ce prototype du self made man à l'américaine est incarné par Daniel Day-Lewis, qui vient d'obtenir l'Oscar mérité du meilleur acteur. Dans l'Amérique profonde, empreinte de fanatisme religieux, ce magnat du pétrole piétine les valeurs et sacrifie tout à l'appât du gain.

On savait depuis "Boogie Nights" et "Magnolia" que Paul Thomas Anderson était l'un des jeunes auteurs les plus talentueux du cinéma indépendant américain. Avec "There will be blood", adapté du roman de Upton Sinclair "Pétrole !", le cinéaste donne une nouvelle dimension à sa carrière et s'inscrit dans la tradition des grands films américains.

En grand format (Technicolor) et sur une longue durée (2h40), il brosse une fresque épique qui mêle ambition, attrait de la fortune, importance de la famille et de la religion, attraction magnétique du grand ouest. En prime, Paul Thomas Anderson dit des choses essentielles sur le fondamentalisme chrétien qui imprègne la société américaine et le fanatisme des chefs religieux qui exercent un pouvoir sans partage sur leurs fidèles.

Le film confirme aussi l'immense présence de Daniel Day-Lewis, acteur caméléon au physique anguleux qui campe avec un maximum d'efficacité le personnage de Daniel Plainview, homme cynique et âpre au gain au point de balayer toutes les valeurs humaines, familiales, religieuses qui fondent la société américaine. Rôle qui vient de lui valoir un deuxième oscar après celui obtenu en 1990 pour "My Left Foot".

Au commencement, Daniel Plainview n'est qu'un misérable chercheur d'or de l'Amérique profonde qui s'échine à trouver le bon filon au péril de sa vie. Mais l'or se faisant rare, il passe avec beaucoup plus de succès à l'or noir dont il devient un spécialiste. Passé maître dans l'art d'arracher des concessions à des propriétaires naïfs, l'exploitant est flanqué d'un petit garçon né d'une femme morte en couches, bambin au sourire d'ange qui lui attire bien des sympathies.

La fortune de Daniel Plainview prend un tournant décisif lorsqu'un mystérieux jeune homme débarque du fin fond de la Californie pour lui vendre une concession sur une terre ingrate où rien de pousse mais où le pétrole affleure. Flairant la bonne affaire, Plainview prend le risque et accourt sur cette terre misérable où chacun lutte pour la survivre. Paysan ignare, le propriétaire des lieux est le père du pasteur, Eli Sunday, jeune homme qui a fondé l'église de "La troisième révélation" (Dieu seul sait de quoi il s'agit !), qui entraîne ses fidèles dans des séances de désenvoûtement et d'hystérie hallucinantes.

Mais pour illuminé qu'il soit le pasteur a le sens des réalités et réclame à l'exploitant des millions pour la construction d'une nouvelle église. Plainview résiste tant qu'il peut mais, bénéficiant de l'appui de tous les fermiers de la région, le pasteur a raison de lui. A partir de quoi le pétrolier attendra l'heure de la vengeance, elle sera féroce.

Pour riche qu'il soit devenu, Plainview ne sera pas heureux. Car s'il est désormais un magnat du pétrole qui damne le pion aux compagnies pétrolières en construisant son propre pipe-line, c'est au prix du sacrifice de sa vie privée. L'or noir salit tout jusqu'à sa relation avec son fils, son seul bien immatériel.

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