Porsche veut faire de Volkswagen une entreprise "normale"

L'assemblée générale des actionnaires s'est transformée en passe d'armes entre salariés et élus du Land de Basse Saxe d'un côté et Porsche de l'autre. Les premiers craignent de perdre leurs pouvoirs dès que la marque légendaire, probablement à l'été, prendra la majorité absolue du capital du premier constructeur européen.

On s'attendait à une assemblée générale longue et agitée. Les quelque 2.600 actionnaires venus à Hambourg hier n'ont pas été déçus. Martin Winterkorn, le président du directoire, a eu beau vanter les performances du premier constructeur européen alors que les nuages commencent à s'accumuler sur l'environnement international, ce n'est pas vraiment ce qui a intéressé les actionnaires, dont la faible présence a surpris quand on sait qu'ils avaient été plus de 4.000 à venir chez Porsche et sont régulièrement plus de 8.000 chez Mercedes ou Siemens.

Ceux-ci voulaient surtout savoir quelle va être l'issue de la passe d'armes qui oppose depuis l'automne Porsche, qui veut les pleins pouvoirs quand il aura fait passer sa participation d'aujourd'hui 31% à plus de 50%, aux salariés et au Land de Basse Saxe qui entendent bien conserver leurs prérogatives.

"Cette bagarre ne limite t-elle pas la marge de manoeuvre de la direction du groupe?" s'est inquiété un actionnaire en s'adressant au patron de Porsche, Wendelin Wiedeking. "Pourquoi des critiques aussi massives sur la loi Volkswagen, M. Wiedeking ?" s'est indigné un salarié, en estimant que ce qui s'est passé chez Nokia à Bochum et chez Siemens dans les téléphones portables justifiait que le Land de Basse Saxe conserve sa minorité de blocage et les syndicats leur droit de regard sur les grandes décisions.

Le patron de Porsche n'a pas eu droit cependant à la parole. S'appuyant sur le droit allemand des sociétés, le président du conseil de surveillance de Volkswagen, Ferdinand Piëch, a répondu qu'il n'acceptait aucune des questions qui s'adressaient à un membre actuel du conseil ou un membre futur.

C'est finalement le directeur juridique de la marque légendaire qui a expliqué pourquoi Porsche avait déposé une résolution destinée à modifier certains paragraphes des statuts pour se mettre en conformité avec le jugement de la Cour européenne de justice. Et de s'opposer avec virulence aux arguments avancés peu avant par le ministre des Finances du Land de Basse Saxe.

En octobre, la Cour européenne a condamné la loi Volkswagen qui garantit notamment aux salariés et à l'Etat de Basse Saxe un droit de veto sur les décisions stratégiques. Si l'Etat de Basse Saxe a compris qu'il ne pourrait plus conserver son statut particulier qui lui assure notamment deux sièges automatiques au conseil et le plafonnement à 20% des droits de vote d'un actionnaire, il tient en revanche à laisser à 80% la majorité nécessaire lors d'une assemblée générale pour des décisions importantes.

"Nous prenons au sérieux vos craintes et critiques", a d'abord indiqué le manager de Porsche en assurant que l'objectif final n'était pas d'affaiblir Volkswagen ou de le démanteler mais bien de saisir "la chance historique qui nous permet de façonner un groupe automobile inégalable".

Il a assuré au passage qu'il ne prévoyait aucune suppression d'emplois chez VW et que Porsche avait même proposé à la Basse-Saxe "d'assurer par contrat la pérennité des sites de VW en Allemagne". Il a estimé indispensable en revanche une modification immédiate des statuts pour que Volkswagen devienne une société normale avec des statuts conformes à ceux des autres.

Dès qu'il aura obtenu le feu vert des différents offices de cartel, au plus tard après l'été, Porsche veut faire monter sa participation à plus de 50%, a indiqué à La Tribune le porte-parole du groupe de Stuttgart. Pour l'instant toutefois, il risque de subir un certain revers, sa résolution ne devant pas obtenir les 80% des droits de vote présents nécessaires. Le vote devait débuter en début de soirée.

Une situation qui ne l'empêche pas déjà d'imposer ses vues au conseil de surveillance dans lequel il détient désormais directement quatre des dix sièges détenus par les représentants du capital. Wolfgang Porsche, président du conseil de surveillance, devait être élu à l'issue de l'assemblée au conseil de Volkswagen. Mais en présentant une résolution visant à modifier les statuts, Porsche s'est laissé ouverte la possibilité à terme de déposer plainte devant les tribunaux pour obtenir gain de cause.

Dans un premier temps, il va devoir affronter les représentants des salariés de Volkswagen mardi prochain devant les tribunaux. Le comité d'entreprise a déposé plainte sur la constitution du conseil de surveillance de Porsche SE, la nouvelle holding du groupe. Trois seulement des six sièges accordés aux salariés sont prévus pour Volkswagen, le jour où Porsche détiendra plus de 50% du capital. Les trois autres sont pour les représentants de la marque légendaire. Et ce alors qu'il y a 12.000 salariés chez Porsche et 326.000 chez Volkswagen.

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