Jazz derrière les barreaux

Dans le pénitencier de San Quentin, en cette année 1962, des jazzmen se produisaient sur scène. Un documentaire rare.

Tristement célèbre pour son "couloir de la mort" - en octobre 2007, ils étaient 655 à attendre l'exécution - le pénitencier californien de San Quentin passera aussi à la postérité pour... sa liberté d'expression artistique. Au moins pendant une période de sa vie, dans les années 60, quand l'établissement était dirigé par un homme aux idées réformistes, Fred Dickson.

Chaque samedi soir, "la Bastille au bord de la baie" ouvrait ses portes au public pour des spectacles donnés par les détenus, chanteurs, acrobates, danseurs et musiciens. Parmi ces musiciens "impeccablement vêtus de smokings taillés dans le grossier coton des uniformes de prisonniers", des jazzmen qui donnent la cadence.

En cette année 1962, passée au crible par le journaliste Pierre Briançon, San Quentin accueille quelques-unes des grandes signatures de la West Coast, "tombées" le plus souvent pour usage de stupéfiants. On y retrouve ainsi les saxophonistes Art Pepper, Frank Morgan ou Earl Anderza. Sur scène, ils côtoient un trompettiste talentueux "comète géniale et éphémère", Dupree Bolton, ou encore un contrebassiste, Frank Washington, qui fit toute sa carrière professionnelle derrière les barreaux.

Nourrie des compte-rendus du journal de la prison, le "San Quentin News", l'enquête nous emmène sur les pas de Frank, Art, Earl, Nathaniel, Jimmy, Dupree, qui jouent "pour oublier ou pour s'évader". Ils répètent le soir après le diner, ils donnent des concerts, quelquefois retransmis à la radio, ils participent au concours annuel d'interprétations. "En prison, le jazz n'est plus un métier. C'est leur raison de vivre".

Pierre Briançon retrace, avec rigueur et sans pathos, le parcours de ces jazzmen à l'intérieur de San Quentin, mais aussi dans le "monde libre" où ils essaient de vivre et traite avec une égale objectivité du couple jazz-drogue. Un très beau travail de reportage et un témoignage sensible qui n'est pas réservé aux seuls amateurs de la "note bleue".

San Quentin Jazz Band. Pierre Briançon. Editions Grasset. 366 pages. 19,50 euros

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