Démocratie participative : identifions les enjeux

La démocratie participative est comparable à La Samaritaine : on y trouve un peu tout. Jean-Joseph Régent, président du Conseil de développement de Nantes métropole, invite à éclaircir le concept.
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L'élection présidentielle du printemps 2007 a mis la démocratie participative au coeur du débat politique, sans toujours le clarifier. Un peu secouée par la campagne, l'expression resurgit un an plus tard pour les municipales. Il n'y a pas un programme local qui n'ait son volet "démocratie participative". Comme pour le développement durable, les candidats à la fonction préférée des Français ne sauraient évacuer ce concept.

Cette volonté de renouveler la démocratie est louable. Encore faut-il ne pas se méprendre sur les mots et leur signification. La démocratie participative recouvre aujourd'hui une très grande variété de contenus. On y trouve un peu tout: forums sociaux et conseils économiques et sociaux, conseils de développement et conseils de quartiers, budgets participatifs et procédures légales de concertation, ... Le paysage est confus, même s'il révèle une véritable attente citoyenne, celle du dialogue avant la décision.

Dans ce contexte, la lecture des "professions de foi" (expression dont la république laïque use abondamment) des candidats aux élections municipales suscite quelques interrogations. La démocratie est-elle un bloc? La délégation des pouvoirs dans le cadre du système représentatif constitue, du moins jusqu'à aujourd'hui, le cadre démocratique le plus communément admis. Il a certes des défauts, mais il garantit à la fois l'exercice des libertés publiques et la prise en compte d'un intérêt collectif à défaut d'être général.

Ce qu'on appelle la démocratie participative n'est pas un dispositif de substitution mais d'enrichissement. C'est un processus, plus ou moins approfondi, de participation et d'association à la décision publique. Il s'agit d'une consultation, parfois très poussée, d'une mise en débat, souvent houleux, mais c'est un élément d'aide à une décision prise par les élus du peuple. Ce n'est pas de la cogestion. Demander un avis n'implique pas qu'il soit forcément suivi.

Aujourd'hui, les programmes électoraux semblent vouloir aller beaucoup plus loin. On lit, ici ou là, que les dispositifs participatifs doivent évoluer et qu'il ne s'agit plus seulement de consulter mais aussi de partager la prise de décision. On suggère ainsi à l'électeur qu'un certain nombre de décisions pourraient être directement prises par des habitants tirés au sort. Dès lors, le débat change de nature et l'alternative qui se dessine est celle entre la démocratie représentative et une nouvelle forme de démocratie directe. C'est un débat de fond qui dépasse de loin celui du fonctionnement des structures de participation.

Curieusement, l'importance du débat semble pourtant assez peu mesurée, y compris parfois par ceux qui en sont les porteurs. C'est une discussion pourtant passionnante et qui mérite qu'on s'y attache en dehors des débats électoraux. Pour les plus anciens, cela rappelle aussi des souvenirs, ceux des années 70 au cours desquelles on pensait que les idées socialistes pouvaient survivre aux ravages des totalitarismes: on parlait d'autogestion... Nous sommes pourtant au XXIème siècle et nous nous comportons comme si la démocratie était établie en l'état pour l'éternité. Toutes sortes de mouvements traversent notre recherche du meilleur mode de gouvernance.

Les questions sont nombreuses, complexes et les certitudes sont de piètres médicaments pour notre mal de démocratie. Il y a donc urgence aujourd'hui pour les partis politiques à sortir des schémas du passé et à identifier les vrais enjeux, bref à considérer le monde tel qu'il est et pas tel qu'on le rêve. La démocratie est un bien aussi précieux que l'eau potable. A ce titre, sa sauvegarde implique qu'on s'interroge sereinement sur son évolution et son adaptation au temps présent. Les modifications constitutionnelles n'y changeront rien, les dissertations juridiques sur les mérites comparés du parlementarisme et du présidentialisme non plus.

C'est à une petite révolution culturelle qu'il faut se livrer, celle qui concerne la prise de décision publique. Tout se joue dans l'articulation des trois sphères, que constituent aujourd'hui les élus, les techniciens et experts, les habitants, auxquelles il faut désormais en ajouter une quatrième, celle des médias, voire une cinquième, celle d'Internet.

L'enjeu de la citoyenneté est là, dans un jeu subtil entre des principes établis qui ont stabilisé la société et des outils nouveaux qui la bouleversent et la rénovent. Dès lors, l'efficacité d'une démocratie renouvelée demande d'aller bien au-delà des slogans de campagne.

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